Les médecines alternatives et complémentaires continuent de susciter en France des polémiques d’un autre temps. Elles correspondent pourtant à un mouvement de fond de la société en faveur de la santé et du bien-être.
Sommaire
- La science : sur le temps long
- Médecine : une certaine arrogance
- Miviludes : la confusion
- Une certaine anarchie
- MAC : depuis les experts de haut niveau jusqu’aux incompétents voire aux charlatans
- Chacun doit se débrouiller
- La société du bien-être
- Des polémiques stériles
Un Français sur deux utilise en confiance les médecines alternatives et complémentaires (MAC). Simplement parce que ça marche. La plupart du temps parce qu’après un parcours d’errance médicale, après avoir “tout essayé”, ils ont enfin trouvé une formule qui, souvent, soulage ou même qui guérit.
Homéopathie, ostéopathie, acupuncture, shiatsu, sophrologie, hypnose, arts-thérapie… Ils se fichent bien de savoir si la discipline est validée ou non par la science et se sentent peu concernés par ce qu’ils perçoivent comme des querelles d’experts. Ils aspirent à une médecine intégrative (voir : Vers une médecine intégrative en France ?) et s’orientent vers telle ou telle pratique en fonction de leur expérience individuelle, de celle de leur entourage et de leurs éventuelles croyances personnelles.
La science : sur le temps long
La science est une création collective qui se fait sur le temps long et qui change son fusil d’épaule au rythme des dernières études et découvertes. À titre d’exemple, la méditation était une discipline autrefois limitée à la sphère spirituelle, elle est aujourd’hui largement validée en tant que soin pour le traitement du stress et de la dépression.
Alors, si l’on n’est pas un scientiste effréné, le bon sens amène tout un chacun à se demander : pourquoi attendre qu’une pratique soit approuvée par des chercheurs en laboratoire quand on a un besoin immédiat et qu’on a sous la main des méthodes qui peuvent s’avérer efficaces et qui ne comportent pas d’effets secondaires indésirables ?
Médecine : une certaine arrogance
Par ailleurs, il y a une méfiance qui s’est installée vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique au fil des scandales à répétition de ces dernières années : sang contaminé, Distilbène, Vioxx, Dépakine, Médiator ou Lévothyrox… Les citoyens ont, depuis, une confiance relative dans les autorités de santé qui se sont montrées, dans ces circonstances, pour le moins indulgentes voire carrément corrompues. Ce qui n’a pas tempéré l’arrogance de certains tenants de la médecine conventionnelle qui se sont voulus tout sachants et tout puissants lors de récents épisodes : nouvelles obligations vaccinales pour les nourrissons, déremboursement de l’homéopathie, passe vaccinal pendant la crise du covid.
De nombreux citoyens, écoeurés d’être accusés de complotisme dès qu’ils émettaient la moindre critique sur un système plus fondé sur la rentabilité financière des fabricants que sur des exigences de santé publique, se sont alors éloignés de la médecine conventionnelle. Ce qui est parfaitement regrettable.
Miviludes : la confusion
Dans le même temps, les autorités ont ostracisé les MAC en les associant systématiquement à des dérives sectaires relevant de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). Cette dernière, dans une grande confusion intellectuelle, met dans le même sac les sectes coercitives et les phénomènes d’emprise de quelques professionnels malveillants. Elle prétend même avoir la légitimité de distinguer les “bonnes” et les “mauvaises” pratiques en matière de santé. (Voir : Identifier les dérives sectaires)
“Les dérives sectaires, à proprement parler, restent marginales, surtout dans le domaine des pratiques complémentaires”, constate Véronique Suissa, psychologue clinicienne et directrice de l’A-MCA (Agence des Médecines Complémentaires Adaptées). “Le plus souvent, les risques et les dérives observés ne sont pas de nature sectaire, bien qu'ils demeurent préoccupants.”*
Selon elle, les dérives “involontaires et/ou thérapeutiques” sont plus fréquentes que les dérives “volontaires et/ou sectaires”.
Une certaine anarchie
Résultat d’une certaine intransigeance et d’un manque de compétence de la part des autorités, les MAC ont donc prospéré en France, ces dernières années, dans une certaine anarchie.
Véronique Suissa fait un constat complet et méthodique de la situation, comme une observatrice qui se veut neutre et ne fait que pointer les vérités et les contre-vérités des uns et des autres.
“L'écosystème des pratiques complémentaires reflète le secteur du bien-être : il est diffus, pluriel, protéiforme et mal défini.”*
MAC : depuis les experts de haut niveau jusqu’aux incompétents voire aux charlatans
Le secteur est, certes, pavé de bonne intentions mais se décline en une multitude de praticiens, d’associations, de fédérations, de syndicats, d’écoles, d’experts variés et de plateformes ou instituts divers. On y trouve des spécialistes de haut niveau, des professionnels qualifiés mais aussi des professionnels qui manquent de compétence et de vrais charlatans.
Il y a des pratiques qui sont reconnues par la société et par les citoyens, d’autres sont validées sur le plan médical ou scientifique, d’autres encore sur le plan réglementaire, institutionnel, législatif ou politique… Et le type de critères retenus varie d’un expert à l’autre.
Chacun doit se débrouiller
“Ainsi certains médecins rejettent la chiropraxie à l'hôpital en raison du manque de validation scientifique établi par l'INSERM, tandis que d'autres la recommandent sur la base des référentiels accrédités par la HAS (Haute Autorité de Santé) et encouragent son intégration dans les soins, en mettant en avant sa reconnaissance réglementaire”*, précise Véronique Suissa.
En clair : difficile de s’y retrouver, chacun doit se débrouiller.
La société du bien-être
Dans un contexte national et international marqué par les crises sociales, économiques, politiques et sanitaires, la recherche du bien-être est devenue une valeur collective.
“Aujourd'hui la santé ne se limite plus au domaine médical ; elle implique chaque citoyen qui aspire aussi à en devenir acteur. Les pratiques complémentaires représentent l'aspect de ce changement de paradigme en matière de santé.”*
C’est un mouvement de fond qui touche toutes les sociétés développées et qui fait l’objet de nombreuses avancées dans le monde.
Des polémiques stériles
Pourtant, en France, les polémiques ne cessent pas.
“Pour chaque pas en avant, nous reculons de trois. (…) Avouons qu’il y a dans cette hystérisation du sujet un caractère irrationnel.”*
En réalité, Véronique Suissa considère qu’être “pour” ou “contre" les médecines complémentaires n’a pas grand sens.
“Le fait social est indéniable : personne ne peut empêcher un individu (en santé ou en situation de fragilité) de croire à ce en quoi il croit, d'être ce qu'il est, d’aller où il veut aller. Le libre arbitre est inhérent à l'être humain.”*
Les citoyens ont simplement besoin d’être orienté, conseillé, guidé et alerté de manière cohérente, avec un peu de simplicité et de bon sens.
*La société du bien-être, Véronique Suissa, éditions Michalon
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Médecine “douce” et refus de soin ?
Parmi les arguments souvent avancés pour discréditer les médecines alternatives et complémentaires (MAC), figure celui selon lequel ces dernières risqueraient de faire retarder le traitement médical adapté, voire de faire abandonner celui qui a été prescrit par la médecine conventionnelle.
Véronique Suissa, psychologue clinicienne et directrice de l’A-MCA (Agence des Médecines Complémentaires Adaptées), considère que cette idée est simpliste et détaille les quatre erreurs de raisonnement les plus répandues en la matière…
- “La première erreur est d’infantiliser les patients sous prétexte qu'ils sont… malades. Les personnes, même fragiles, conservent leur capacité de discernement.”
- “La seconde erreur est de ne pas prendre en compte la vie des patients avant l'apparition de la maladie en les déconnectant de tout ce qu'ils sont : leur personnalité, leurs fragilités et leurs forces, leurs tendances, leur vécu, leur expérience ou leurs croyances."
- “La troisième erreur est de considérer systématiquement les croyances irrationnelles et les pratiques éloignées de la médecine comme étant dangereuses.”
- “La quatrième erreur est d'associer automatiquement le “refus de traitement” à l'utilisation de médecines alternatives. Dans le domaine des médecines complémentaires, ce n'est pas tant la méthode elle-même qui altère le discernement des patients mais plutôt leur propre système de croyances préexistant. Autrement dit, les patients choisissent des approches qui correspondent à leurs propres convictions.”*
Dans la pratique, les cas d’abandon de soin semblent extrêmement rares et plutôt motivés par la peur des traitements, le souvenir de mauvaises expériences et une forte méfiance envers la médecine.
“Au bilan, si des dérives existent, le refus de soins fait appel à une variété de facteurs et ne peut être réduit à l'utilisation de pratiques complémentaires.”*
Les personnes dont nous avons recueilli le témoignage n’ont jamais rencontré de praticien de MAC incitant à l’abandon de soin. En revanche, elles mentionnent des cas de praticiens ayant alerté des patients sur des soupçons d’erreurs de diagnostic de médecins conventionnels et suggérant un deuxième avis, ces erreurs ayant été avérées après consultation d’un autre médecin.
Les allopathes seraient donc bien inspirés de profiter de ce regard complémentaire pour pallier leurs propres insuffisances.
C’est toute la force de la médecine intégrative.