L’intelligence des insectes : pas folle, la guêpe !

L’intelligence des insectes : pas folle, la guêpe !

Ils feraient preuve d’intelligence, de conscience voire de sensibilité.
Des découvertes récentes suggèrent qu’il n’y aurait aucune raison valable d’exclure les insectes d’une réflexion générale de la collectivité sur le bien-être animal.

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Sommaire

- 200 000 neurones dans le cerveau des moustiques
- Des états émotionnels chez les insectes
- Les abeilles : communiquer en dansant
- Une véritable chorégraphie 
- Le GPS des abeilles
- Guêpes et frelons : un peu d’indulgence !
- Le bien-être des insectes : une discipline émergente

Dans une société de plus en plus préoccupée par le bien-être animal, il apparaît important de ne plus oublier d’inclure les insectes dans la réflexion générale. En effet, de récentes découvertes scientifiques mettent en lumière chez eux l’existence d’une certaine forme d’intelligence, de conscience voire de sensibilité.
"Nous sommes convaincus qu'il existe un futur ou les humains sauvent la planète", déclare Mathieu Lihoreau, éthologue au CNRS. "Dans ce futur, les humains protègent l'environnement et coopèrent avec les insectes pour fertiliser les sols, recycler les matières organiques et polliniser les champs."*

200 000 neurones dans le cerveau des moustiques
Les moustiques sont attirés par le dioxyde de carbone rejeté par les humains. Et ce dioxyde de carbone déclenche chez eux la recherche de signaux visuels, avec une forte attraction pour la chaleur, pour certaines odeurs et des couleurs allant de l’orange au rouge, rappelant la peau humaine. Une fois en contact avec sa proie, le moustique peut se décider de piquer ou non, selon la texture et le goût de la peau. Et il garde en mémoire tous ces paramètres jusqu’à trois jours durant.
"Bien que petit, le cerveau du moustique est une structure complexe qui contient environ 200 000 neurones”*, explique Mathieu Lihoreau.

Des états émotionnels chez les insectes
De nombreuses observations sur les bourdons, les abeilles mellifères et les mouches prouvent aujourd’hui l'existence d'états émotionnels chez les insectes. 
“Elles suggèrent également que ces animaux perçoivent la douleur et qu'il est important, au minimum, d'accélérer les recherches sur le sujet pour répondre à la préoccupation croissante pour le bien-être animal.”*

Les abeilles : communiquer en dansant
On a découvert que les insectes ont développé un système de communication qui s’apparente à un véritable langage. Les abeilles mellifères, notamment, communiquent en dansant. Afin d' échanger des informations sur l'emplacement des sources de nourriture ou des lieux de nidification potentiels, elles produisent une “danse frétillante” qu'on appelle aussi la “danse en huit”.

Une véritable chorégraphie 
Il s’agit d’une danse très codifiée, une sorte de chorégraphie.
Lorsqu’elle revient au nid, la butineuse qui a découvert une source de nourriture abondante (un arbre en fleurs ou un champ) marche sur les rayons de cire en faisant vibrer rapidement son abdomen de droite à gauche tout en avançant en ligne droite : c'est la phase frétillante de la danse. 
"Ensuite, cette même abeille tourne vers la gauche et rejoint son point de départ en entamant une autre phase frétillante. Puis elle se tourne vers la droite et recommence. Elle répète ce comportement de nombreuses fois, formant un huit qui peut être observé par d'autres abeilles dans la ruche en touchant avec leurs antennes le corps de la danseuse."* 

Le GPS des abeilles
On constate alors que les autres abeilles, spectatrices de la danseuse, sont ensuite parfaitement capables de se rendre au point précis repéré par la première abeille. La danse des abeilles agirait donc un peu comme un GPS.
Comment font-elles ?
Les chercheurs ont découvert que, pour la direction, si la source de nourriture se trouve dans la direction du soleil, la butineuse danse à la verticale. Si la source de nourriture se situe à 45° à droite du soleil, la danseuse s’oriente à 45° vers la droite de la verticale c'est-à-dire horizontalement.
Pour la distance, plus une danseuse fait frétiller son abdomen longtemps plus la source de nourriture est loin du nid. 
Et plus la danse est répétée, plus la source de nourriture est abondante…

Guêpes et frelons : un peu d’indulgence !
Certaines espèces d’insectes n’attirent pas vraiment la sympathie générale. C’est le cas des guêpes (voir encadré) et, en particulier, du frelon asiatique à pattes jaunes. Ce dernier est invasif dans l’ouest de l’Europe et dans l’est de l’Asie. C’est un grand consommateur d’abeilles et c’est pour cela que c’est un des insectes les plus chassés de France, au même titre que les pucerons, les termites et les blattes. 
Il est certain que la protection des ruchers est un objectif souhaitable mais le projet actuel d’éradication de l’espèce l’est beaucoup moins, selon Mathieu Lihoreau qui plaide pour “un contrôle sobre et limité des populations de frelons asiatiques”.

Le bien-être des insectes : une discipline émergente

L’étude du bien-être des insectes est une discipline émergente qui a donné lieu, en 2023, à la création de la société internationale de recherche sur le bien-être des insectes (Insect Welfare Insect Society).
Y’aurait-il donc une forme de conscience chez ces petites bestioles ?
“En 2024, plusieurs centaines de chercheurs ont signé un texte pour alerter sur l'existence probable d'une forme de conscience généralisée au sein du règne animal.” C’est ce qu’on appelle la “déclaration de New York”. Les insectes seraient également concernés.
Les conclusions de ces recherches scientifiques pourraient bientôt encourager un encadrement plus strict de nos interactions avec les insectes dans différents domaines : expérimentation animale, élevages massifs destinés à l'alimentation humaine ou à celle du bétail, méthodes de contrôle des populations considérées comme "nuisibles".
Et si les insectes n’étaient pas si différents de nous ?


*La planète des insectes, Mathieu Lihoreau, éditions Tana

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Pas folle, la guêpe !

La grande famille des guêpes est celle des “hyménoptères”, c'est-à-dire les insectes dont les deux paires d’ailes sont attachées. Il s’agit d’un groupe d'insectes prédateurs très ancien, avec plus de 150 000 espèces. 
“Il y a une centaine de millions d'années, ce groupe s'est diversifié", explique Mathieu Lihoreau, éthologue au CNRS. "Cela a donné les abeilles (qui sont donc, dans un certain sens, des guêpes véganes), les fourmis (des guêpes qui ont perdu leurs ailes) et les symphytes (des guêpes dont les larves ressemblent à des chenilles de papillon).”*
On y trouve aussi bien le frelon asiatique géant (jusque’à 10 cm d’envergure) que des espèces minuscules qui mesurent moins de 0,2 mm de long.

Les guêpes ont révélé des capacités cognitives qui n'ont rien à envier à celles des fourmis et des abeilles. 
“Les guêpes sont, par exemple, très douées pour apprendre à relocaliser leur nid ou une source de nourriture en utilisant la vue.”*
Elles développent des mémoires à long terme qui leur permettent, une fois qu’elles ont localisé une source de nourriture, de revenir au même endroit pendant plusieurs jours.

D’une manière générale, elles constituent un élément important dans le fonctionnement de nombreux écosystèmes.
“Les guêpes sont des insectes carnivores qui contrôlent les populations d’invertébrés en s'en nourrissant. En régulant la taille des populations de petits prédateurs (…), elles protègent indirectement les animaux et les plantes situées plus bas dans la chaîne alimentaire. Plusieurs espèces sont ainsi utilisées comme auxiliaires biologiques, en particulier des guêpes parasitoïdes pour le biocontrôle des cultures.”*
Certaines espèces sont nécrophages et contribuent ainsi au recyclage de la matière organique. La plupart sont des pollinisateurs, souvent complémentaires par rapport aux abeilles. 

Vie Saine et Zen