Plus bio que bio : se méfier du greenwashing

Plus bio que bio : se méfier du greenwashing

Dans un contexte chahuté par la crise sanitaire du Covid-19, la grande distribution fait assaut d'arguments empruntés au bio pour vendre du non bio. Les consommateurs doivent plus que jamais faire preuve de vigilance…

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Sommaire

- Le tournant du siècle
- Les arguments du bio pour du non bio
- Le bio augmenté
- Le boom du commerce en ligne
- Un trou d'air pour le bio ?
- Un hausse constante

Les années 2020 et 2021 resteront dans les mémoires à plus d'un titre : la crise sanitaire avec ses confinements multiples a mis le pays au ralenti et bouleversé le paysage de la consommation. Ce phénomène de confinement n'a jamais été vécu en France depuis la grande peste de Marseille en 1720, comme l'explique Bernard Ollié, de l'agence Good, à l'occasion de l'édition 2021 de Natexpo*.

Le tournant du siècle
"Tout comme le 20e siècle a commencé en 1918, après la Première Guerre Mondiale, le 21e siècle a commencé 20 ans après l'an 2000, en 2020, à l'époque du covid. On entre aujourd'hui dans l'ère du cygne noir, le temps de l'incertitude. Tout peut basculer en permanence. Il y a une espèce de peur de temps de guerre permanent qui va s'instaurer"*, prophétise Sauveur Fernandez, spécialiste des éco-tendances.

Selon lui, cette crise serait donc le tournant du siècle avec d'un côté la peur de la maladie et de la perte d'emploi, la peur de l'avenir en général. D'un autre côté, le développement de la télémédecine et du télétravail, la montée de l'inclusivité, des réunions collectives et des solidarités multiples, l'essor des disciplines de bien-être comme le yoga, la méditation, le Taiji Quan…
La plupart des experts confirment que nous vivons un moment de transformation du marché. Dans ce contexte, la bonne nouvelle pour le secteur bio est que, selon les études de l'Agence Bio, la tendance à consommer sain, durable, local et de saison est plus que jamais d'actualité.

Les arguments du bio pour du non bio
La grande distribution a profité de l'aubaine pour avancer sur de nouveaux fronts en exploitant les valeurs véhiculées par le bio pour des produits avec moins de contraintes et donc moins chers pour le consommateur.
"Dorénavant on a du bio à plusieurs niveaux d'exigence, réparti par gammes. Et il y a des produits non bio qui se prétendent plus bio que bio."*
Les qualificatifs fleurissent sur les emballages : "engagé", "responsable", "militant", "bien-être animal", "vegan", "ferme familiale", "local", "sans résidus de pesticides", "bio+"…
"Zéro complexe !"*, s'exclame Sauveur Fernandez.
Le label HVE (Haute Valeur Environnementale) d'une agriculture raisonnée sans grandes contraintes vient aussi brouiller les pistes.
Il faut rappeler que seul le bio labellisé garantit des produits sans pesticides, sans engrais de synthèse et avec un travail sur le sol.

On assiste aujourd'hui à une vaste offensive de verdissage de produits conventionnels, ce qui est l'exacte définition de l'écoblanchiment ou du "greenwashing", la nouvelle forme que prend le déni climatique.
Nous autres, consommateurs, avons intérêt, une fois de plus, à lire attentivement les étiquettes pour être bien conscient de ce que nous achetons.

Le bio augmenté
En réponse à la concurrence, les marques et les enseignes bio spécialisées ont déployé différentes stratégies :
- soit en agissant à la baisse sur les prix avec le développement de marques propres (Biocoop, Naturalia, Les Comptoirs de la Bio, NaturéO) ;
- soit en agissant à la hausse sur la qualité avec la mise en place d'un "bio augmenté" en se fixant des engagements éthiques allant au-delà du cahier des charges AB.
Exemple : la marque Bio de France, créée en novembre 2020, a développé une gamme d'une trentaine de produits alimentaires bio "fabriqués en France avec des matières premières 100 % françaises".**

Le boom du commerce en ligne
Confinement oblige, la période 2020-21 a été marquée par le boom du commerce en ligne. Et de nouvelles formules sont apparues :
- le drive piéton, avec des produits au prix de l'hypermarché qu'on vient retirer à pied ou en vélo ;
- le quick commerce, avec une gamme étendue de produits (dont des produits bio) livrés à domicile en maximum 15 minutes.
"Il s'agit d'un principe redoutable de captation de clientèle"*, décrypte Sauveur Fernandez. Sans parler des conditions de travail épouvantables des acteurs de ce type de livraison.

Un trou d'air pour le bio ?
Ce boom ajouté à d'autres paramètres comme la baisse du pouvoir d'achat explique le fléchissement des ventes de produits bio dans la grande distribution au premier semestre 2021 (-1,6 % sur les 7 premiers mois, selon les données Iri pour LSA). Après les 10,4 % de croissance du marché dans son ensemble en 2020 et les 13,5 % en 2019, ces chiffres ont de quoi inquiéter.

Un hausse constante
Bernard Ollié considère qu'il ne s'agit que d'un trou d'air pour le bio.
"En ce moment le réseau est plutôt inquiet. Il a de mauvaises raisons d'être inquiet s'il fait une comparaison arithmétique avec la période de la crise sanitaire. Mais il a de bonnes raisons d'être inquiet s'il considère que la demande du réseau est perturbée par une réponse à la bio qu'a initié notamment la grande distribution."* (Voir encadré)

Nous allons donc assister dans les années qui viennent à un certains nombre de changements significatifs dans le bio. Le consommateur devra plus que jamais faire preuve de vigilance s'il veut éviter le greenwashing.

 

Sources :
*Conférences Natexpo 2021
**Le Monde du bio gourmet : Le bio triomphant confronté aux défis du monde d'après
***Agence Bio : Les chiffres clés

 En savoir +

Le bio en 2021 : un ralentissement peu inquiétant

"On vit depuis quelques mois des croissances de chiffres très ralentis, sur la partie alimentaire", confirme Benoît Soury, directeur marché bio Carrefour. "On ne va pas revenir à des niveaux de croissance dynamique comparables à ceux qu'on a vécu ces dernières années mais nous restons assez optimistes sur l'évolution du marché. Pour les deux années qui viennent, je doute qu'on revienne à des croissances à 15 % mais Carrefour vise des chiffres entre 7 et 10 %."*

Bernard Ollié, de l'Agence Good, considère qu'il faut se garder de toute comparaison de chiffres hasardeuse car les comportements des consommateurs ont été inédits pendant la période des trois confinements, de mars 20 à juin 21. On serait donc, selon lui, dans une période de rééquilibrage qui ne remettrait pas en cause la tendance de fond : en comparaison avec la période précovid, la hausse reste constante.*

18 %
de l'emploi agricole
dans le secteur bio
en 2020***

9,5 %
de la surface agricole utile
cultivés en bio
en 2020***

6,5 %
de la consommation alimentaire
des ménages consacrée au bio
en 2020***

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