Essentielle pour rester en bonne santé, l’activité physique peut parfois faire l’objet d’une addiction qui peut conduire à des complications graves. Il est important de rester dans le plaisir et la modération.

Sommaire
- 150 minutes par semaine
- Production hormonale spécifique
- Récréatif, à risque, problématique, ingérable
- Basculer du plaisir à l’addiction
- Les signes de l’addiction
- Des complications potentiellement graves
- Rester dans le plaisir
On le répète à l’envi : le sport est bon pour la santé et les Français, d’une manière générale, souffrent plutôt d’un excès de sédentarité.
"L’activité physique est étroitement associée aux concepts de santé et de bien-être", confirme Laurent Karila, professeur de psychiatrie, spécialisé en addictologie. "Cela nous permet de nous dépenser sur le plan énergétique, d’éliminer des calories mais l’objectif premier doit être de se faire plaisir."*
150 minutes par semaine
En matière de prévention des maladies cardiovasculaires et de mortalité prématurée, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) recommande de pratiquer 150 minutes par semaine d’activité physique d’intensité modérée ou 75 minutes d’intensité vigoureuse (ou encore de combiner les deux).
"Peu importe le type d'activité physique que vous choisissez de faire, cela sera de toute façon bénéfique pour votre santé physique et mentale avec une amélioration de votre bien-être au quotidien, de votre moral, de votre humeur, de vos émotions et de votre sommeil”, précise Laurent Karila. “Cela aura aussi un impact sur la gestion de votre stress au quotidien. C'est également recommandé pour développer votre endurance, votre renforcement musculaire, votre souplesse et votre équilibre."*
Production hormonale spécifique
L’activité physique génère une production hormonale spécifique : augmentation des taux de dopamine et noradrénaline, libération d’endorphines (euphorie, sensation de bien-être, baisse de la douleur liée à la fatigue, réduction de l'anxiété) et d’endocannabinoïdes naturels (détente, effet antidouleur).
"Pendant et après l'effort sont sécrétés des peptides opioïdes endogènes qui jouent un rôle important dans l'adaptation des grandes fonctions physiologiques.”*
Le métabolisme de la sérotonine augmente également lors de la pratique sportive. L’arrêt de la pratique, chez un sportif assidu, crée une chute du taux de sérotonine qui peut être associé à des états de colère, d’irritabilité, d’agressivité, de tristesse voire de dépression.
Récréatif, à risque, problématique, ingérable
Laurent Karila distingue, parmi les adeptes du sport, 4 types de rapports à l’exercice physique…
- L’exercice récréatif : euphorie, plaisir, gratification, contrôle, traumatismes mineurs.
- L’exercice à risque : humeur fluctuante, engagement important dans l’activité, tolérance, préoccupations autour du sport.
- L’exercice problématique : vulnérabilité sous-jacente, anxiété, tristesse, faible estime de soi, organisation de sa vie autour de l’activité, plus aucun plaisir, lutte contre des signes de manques et la douleur.
- L’exercice ingérable : humeur fluctuante, syndrome de manque, conséquences négatives sur sa santé et sa vie.*
Certains disciplines sont réputées plus à risques : sports d’endurance (jogging, marche rapide, randonnée, cyclisme…), sports liés à l’image corporelle (danse, gymnastique, patinage artistique, culturisme…), sports extrêmes.
Basculer du plaisir à l’addiction
Pour des raisons hormonales ou d’ordre psychologique, certaines personnes se mettent à pratiquer une activité physique de manière excessive. En cause : stress, anxiété, douleur liée à un évènement présent ou passé, nécessité de remplir un vide, volonté de restaurer l’image et l’estime de soi, besoin de maîtriser et de programmer une transformation corporelle… Ces personnes basculent progressivement du plaisir à l’addiction (bigorexie), souvent du fait d’un “complexe d’Adonis” (voir encadré).
Les signes de l’addiction
Ils sont de même nature que pour les addictions aux substances : perte de contrôle avec l’activité sportive, usage continu, chronique, compulsif (augmentation du temps consacré au sport assortie d’un comportement obsessionnel), besoin irrépressible de faire du sport, signes de manque à l’arrêt de l’activité, prises de risques inconsidérées, conséquences sur sa vie physique, psychique et sociale.
La dépendance au mouvement peut fonctionner comme la dépendance à la seringue de drogue. L’objectif de maitriser les mouvements de façon absolue devient une obsession totale, dans une recherche de perfection jamais assouvie.
Des complications potentiellement graves
Les complications pour la santé peuvent être graves : anxiété, troubles du sommeil et/ou du comportement alimentaire, addictions à l’alcool ou au cannabis, usage excessif de caféine ou de boissons énergisantes, fractures, tendinites, aménorrhée (absence de règles), ostéoporose, anémie, dépression, tentatives de suicides…
Il semblerait que le phénomène, aggravé par la crise du Covid-19, touche un nombre croissant de personnes, de plus en plus jeunes, en raison de l’essor des disciplines d’endurance mais aussi de la pression des réseaux sociaux. Et le trouble peut passer longtemps inaperçu car les personnes addicts sont, en apparence, très en forme, toniques et performantes…
Rester dans le plaisir
Laurent Karila conseille donc de ne jamais arrêter de se faire du bien.
“Le sport doit rester un plaisir. S’il s'accompagne de stress, d'angoisses, de tristesse, il ne joue plus son rôle de source de bien-être.”*
Continuer des activités autres que le sport, ne pas rester isolé, pratiquer en groupe, écouter son entourage… Il ne faut pas hésiter à faire une pause à durée déterminée lorsqu’on souffre de douleurs ou de blessures, consulter son médecin et ne reprendre que lorsqu’on se sent mieux. Il n’existe pas de traitement médicamenteux pour prendre en charge l’addiction au sport.
La bigorexie est un trouble sur lequel on peut travailler avec un psychiatre addictologue ou un thérapeute spécialisé en TCC (thérapies cognitives et comportementales).
“L'activité physique est bonne pour la santé. Ne vous mettez pas la barre trop haut, faites les choses à votre rythme. Faites-vous plaisir surtout. La modération est le maître mot. S’il y a souffrance, il faut se réguler. Si vous n'y arrivez pas seul, vous pouvez-vous faire aider par des professionnels.”*
Sources :
*Docteur : Addict ou pas ?, Pr Laurent Karila, éditions Harper Collins
Passeport Santé : Bigorexie
Wikipédia : Bigorexie
**INJEP : Les chiffres clés du sport 2023 – Pratiques sportives des Français
En savoir +
Complexe d’Adonis, bigorexie et dysmorphophobie
Atteindre un corps “parfait”
Le “complexe d’Adonis” est la forte volonté d’atteindre un corps "parfait" pour augmenter l’estime de soi.
Addiction au sport
La “bigorexie” est la dépendance à l’exercice physique. Il s’agit d’une préoccupation extrême de l'apparence corporelle caractérisée par la recherche de l'augmentation de la masse musculaire, entraînant une pratique excessive de l'exercice physique associée à un régime alimentaire strict.
Elle est plus fréquente chez les hommes que chez les femmes.
"Il s'agit d'une anorexie inversée, c'est-à-dire qu'elle se caractérise par l'impression d'être trop mince et/ou jamais assez musclé"*, explique Laurent Karila, professeur de psychiatrie, spécialisé en addictologie.
Souffrir de défauts physiques "imaginaires"
Comme dans l’anorexie, les personnes souffrant de bigorexie se focalisent sur un ou plusieurs défauts physiques inexistants ou légers et ces défauts "imaginaires" provoquent chez eux une souffrance qui affecte leur comportement. C’est ce qu’on appelle la "dysmorphophobie".