Nous ne savons pas toujours écouter les messages simples de notre corps : la faim, la satiété, les envies de tel ou tel aliment. Si nous voulons trouver notre poids d'équilibre, il faut arrêter d'être dans le contrôle, nous laisser guider par le plaisir et faire confiance à notre intuition.
Sommaire
- Des mécanismes de régulation physiologique
- Des besoins culturels
- Des besoins psychologiques
- Manger intuitif
- Suivre des traditions culinaires
- Trouver son poids d'équilibre
"Dans la morale de notre époque, la sexualité n'est plus un péché mais c'est le plaisir de manger qui est devenu obscène", observe Gérard Apfeldorfer*, médecin psychiatre et psychothérapeute, spécialiste des troubles alimentaires, à l'occasion d'une conférence organisée début avril par la Fondation Nestlé. "En réalité, le péché serait plutôt la gloutonnerie, et non le plaisir de manger qui est quelque chose de physiologique et nécessaire."
Des mécanismes de régulation physiologique
On sait depuis longtemps que le siège de la faim et de la satiété dans le cerveau se situe dans l'hypothalamus. On a découvert récemment une finesse du mécanisme : un système hédonique, qui gère le plaisir de manger.
Il y a tout d'abord un système "d'appétence spécifique" qui déclenche un désir d'aliment quand cet aliment correspond à un nutriment dont le corps a besoin, pour des raisons physiologiques ou émotionnelles.
Il y a également un système de "rassasiement sensoriel spécifique" qui, au fur et à mesure qu'on mange un aliment plaisant, module le plaisir à la baisse jusqu'au moment où on se sent rassasié et où, normalement, on arrête de manger cet aliment.
Ensuite, si nous avons encore faim, nous cherchons un autre aliment et nous construisons notre repas d'aliment en aliment jusqu'au rassasiement global où, logiquement, nous arrêtons de manger.
Des besoins culturels
En plus de besoins en nutriments, nous mangeons aussi pour satisfaire des besoins sociaux.
"Nous mangeons des représentations qui sont portées par les aliments et qui peuvent être, du reste, digestes ou indigestes", précise Gérard Apfeldorfer. "Nos désirs alimentaires sont modelés par notre culture. La cuisine est une façon d'apprivoiser les aliments, de les civiliser afin de pouvoir les rendre mangeables et acceptables, pour les différencier, par exemple, du poison. Nous mangeons des aliments qui ont du sens et quand ils n'en ont pas, ils ont une certaine toxicité."
Par ailleurs nous cherchons aussi à satisfaire notre besoin des autres.
"Nous sommes dans un système en France qui est fondé sur la convivialité et le plaisir à manger, contrairement au système anglo-saxon. Manger ensemble en partageant, c'est un système performant qu'on devrait privilégier, au lieu de se mettre à la remorque d'un système anglo-saxon particulièrement inefficace."
Des besoins psychologiques
"Nous mangeons aussi pour calmer le stress et ce n'est pas quelque chose de pathologique. Lorsque nous sommes stressés ou anxieux, lorsque nous avons des émotions pénibles, manger peut être une réponse qui va nous faire du bien. Généralement les aliments calmants sont ceux qui ont une haute densité énergétique : les gâteaux fonctionnent beaucoup mieux que les haricots verts !"
Il suffit ensuite de retarder ou réduire la prise alimentaire suivante pour rétablir l'équilibre. Pas de problème… Sauf si le phénomène devient répétitif. C'est le cas notamment quand on se sent coupable de manger parce qu'alors on risque de continuer pour calmer cette culpabilité.
Manger intuitif
"Si l'on veut respecter sa physiologie et sa psychologie, il faut manger sur un mode intuitif, c'est-à-dire en écoutant ses sensations alimentaires et en les respectant. Il ne s'agit pas de contrôler son alimentation mais d'être contrôlé, d'obéir à ses sensations de faim et de satiété qui sont des messages qu'envoient nos centres de régulation."
Cette manière intuitive de manger s'oppose à l'approche qui consiste à réfléchir à ce qu'on mange. Souvent portée par un nutritionniste, un organisme d'état ou la publicité, l'injonction alimentaire risque de dérégler les mécanismes de régulation.
Suivre des traditions culinaires
Il est vrai que notre intuition n'est pas toujours totalement parfaite. Si, en cas de carence, nous avons un appétit spécifique pour la vitamine B9 ou le sel, nous n'en avons pas pour la vitamine C ou les acides gras oméga3, et nous ne faisons pas la différence entre protéines complètes et incomplètes.
"Heureusement nos traditions alimentaires ont suppléé à cette carence physiologique. Par exemple pour les protéines, dans la plupart des pays, on a trouvé des associations de céréales avec des légumineuses."
Il est donc important de suivre des traditions alimentaires qui ont fonctionné pendant des générations.
Trouver son poids d'équilibre
Largement déterminé par la génétique, le poids d'équilibre est le seul poids où l'on peut se stabiliser à l'abri de tout souci alimentaire. Certes, il est quelquefois un peu plus élevé que ce que l'on imagine. Mais une fois qu'on l'a trouvé, on n'a plus d'efforts à faire pour y rester, sauf à être l'objet de troubles alimentaires (Voir : Troubles alimentaires : pourquoi ?).
"Il suffit d'être obéissant par rapport à ses sensations alimentaires, de manger quand on a faim, de ne pas manger quand on n'a pas faim et d'aller vers les aliments qui font envie."
*Président de l’association GROS (Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids)
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Revoir l'éducation des enfants
Selon Gérard Apfeldorfer, on fait aujourd'hui avec les enfants exactement le contraire de ce qu'il faudrait faire.
"On est en train de les "diététiser", les embrigader dans une morale alimentaire."
Il faudrait plutôt, selon lui, les éduquer à écouter leurs sensations alimentaires.
"On pourrait faire une autre politique de la prévention de l'obésité. Cela amènerait les parents à des conduites opposées aux conduites actuelles. Ils diraient à leurs enfants : "si tu n'as plus faim tu t'arrêtes, ne finis surtout pas ton assiette" ou "si tu as très faim entre les repas tu prends un petit en-cas"."