Angoisser devant un film qui fait peur, avec des méchants épouvantables, provoque chez certains un réel plaisir. Il s’agirait de vivre par procuration des désirs refoulés et cela permettrait d’échafauder des stratégies de survie, de combat ou de fuite.
Sommaire
- Constater nos pulsions refoulées
- Un shoot d’adrénaline
- Les hormones du plaisir
- La peur archaïque de la mort
- Élaborer des solutions de survie
54 % des occidentaux apprécient l'angoisse qu’ils ressentent devant un film d'horreur et sont même prêts à la rechercher.
“Meilleur est le méchant, meilleur est le film”, disait Alfred Hitchcock.
“Aujourd'hui, nos méchants sont profonds, multi-facettes et leurs histoires résonnent avec notre empathie !”*, affirme Jérémie Gallen, psychologue et psychanalyste.
Constater nos pulsions refoulées
Ce sont souvent les gens en recherche de sensations fortes qui apprécient les films d’épouvante. Or les grands personnages de méchants nous font vivre des émotions fortes et nous fascinent parce que, notamment, ils osent faire ce que nous ne nous autorisons pas et que nous avons même parfois du mal à imaginer. Nous refoulons nos pulsions et nos désirs interdits au profit de la communauté (et c’est heureux !).
"La représentation d'un être monstrueux au cinéma nous permet de constater ces pulsions tout en les maintenant à distance”*, analyse Jérémie Gallen. Le vilain nous rappelle ainsi ce qui est enfoui en nous. Il nous soumet l’idée qu’il serait possible d’assouvir nos tentations.
Un shoot d’adrénaline
Des scientifiques ont étudié, sur l’organisme du spectateur, quels effets cela provoque de regarder des films qui font peur, notamment avec des personnalités de méchants inquiétants. Ils ont d’abord constaté que cela libère de l’adrénaline, ce qui fait augmenter la fréquence cardiaque et le volume sanguin, donc la pression artérielle, et ce qui entraîne également une dilatation des bronches et des pupilles. Tous les phénomènes physiques sont réunis pour être prêt à se battre ou à s’enfuir.
“Les films et personnages qui nous font peur stimulent ce que l'on pourrait appeler la boucle d'appréhension de combat ou de fuite”.*
Les hormones du plaisir
L’adrénaline a également pour effet de libérer du cortisol qui va maintenir l’état d’alerte. Cela se fait dans une situation sécure, ce qui permet de libérer également les hormones du plaisir et l’ensemble s’ancre dans le cerveau au niveau du circuit de récompense, selon Jérémie Gallen.
La peur archaïque de la mort
Le Joker, l’Alien, le Terminator, Dark Vador, Voldemort, Hannibal Lecter du “Silence des agneaux”, Catherine Trammel de “Basic instinct” ou même la reine-sorcière de “Blanche Neige”… Les grands vilains du cinéma s'adressent presque toujours à notre peur archaïque la plus forte : la mort.
Élaborer des solutions de survie
Nous chercherions, en les observant, à comprendre leur fonctionnement afin d’identifier les meilleures stratégies pour les combattre ou les fuir.
Les scientifiques ont observé que les zones du cerveau les plus stimulées durant le visionnage d'un film d'horreur sont les mêmes que celles qui correspondent à la résolution de problèmes.
“La théorie qui prend le pas actuellement est celle que les gens, aujourd’hui, adorent majoritairement regarder des contenus anxiogènes et stressants car cela leur permet, comme les rêves, de se transposer dans une situation dangereuse, d'en mesurer les risques en toute sécurité et d’élaborer des solutions de survie.”*
*La psychologie des méchants, Jérémie Gallen, éditions Opportun
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La maladie mentale rend-elle violent et dangereux ?
La plupart des grands personnages de méchants sont des psychopathes. Ce qui pourrait facilement induire l’idée selon laquelle le fait d’avoir une maladie mentale rendrait violent et dangereux.
Selon les études scientifiques, deux formes de psychopathologies augmenteraient les risques de violence : la schizophrénie et les troubles bipolaires. Mais dans tous les cas, les risques sont significativement augmentés par la prise d’alcool ou de drogue.
"Drogues et alcool sont de bien meilleurs indicateurs de violence et danger de la part d'un individu que sa santé mentale"*, précise Jérémie Gallen, psychologue et psychanalyste.
Par ailleurs le droit au port d’armes est un indicateur plus pertinent que la santé psychique de l’individu.
"Lorsqu’un individu est habilité à se balader avec une arme, les risques de violence augmentent."*
Les autres facteurs liés à la violence et la dangerosité sont associés à la précarité et la désocialisation.
En réalité, les statistiques montrent que la majorité des actes punis par la loi sont le fait de personnes "saines d’esprit". Elles montrent également que les malades mentaux souffrent bien davantage des stéréotypes, de la mise à l’écart et de la stigmatisation.
"La meilleure façon de ne pas pousser à l'acte violent les personnes souffrant de maladie mentale est de les intégrer au tissu social, de leur proposer une place à laquelle elles se sentent bien et surtout d'où elles peuvent bénéficier de soins adaptés et pluridisciplinaires."*