Il est souvent vécu comme un problème. Mais le bégaiement fait l’objet aujourd’hui d’une nouvelle approche du soin qui consiste à dédramatiser, privilégier la communication et apprendre simplement l’art de bien bégayer…
Sommaire
- Enfants, ados et adultes
- Conseils aux parents
- Un regard neutre et bienveillant
- Consulter un orthophoniste
- Parents partenaires
- Du médical au social
- Trois programmes possibles
- Un parcours spontanéité
- S’entraîner aux techniques d’art oratoire
- Se dévoiler
Souvent considéré comme un problème par les parents, vécu comme un handicap par l’adolescent ou l’adulte concerné, le bégaiement fait aujourd’hui l’objet d’une nouvelle approche de soin.
“Le regard que vous portez sur vous et votre bégaiement influencera la façon dont l'autre vous regardera”, affirme Philomène Tanguy, orthophoniste. “Le plus important c'est de s'exprimer et communiquer. Or communiquer, c'est capter l'attention de l'autre, se montrer et se révéler.”*
Enfants, ados et adultes
Le bégaiement touche en France 5 à 10 % des enfants (3 garçons pour 1 fille). Il apparaît généralement entre 2 et 5 ans, parfois à la pré-adolescence et il existe une récupération spontanée chez 3 enfants sur 4.
2 à 4 % des adultes sont également touchés par un bégaiement qui peut être d’origine neurologique, pharamaco-induit ou psychogène.
Conseils aux parents
Philomène Tanguy donne quelques conseils aux parents qui constatent que leur enfant bute sur les mots :
- se mettre à sa hauteur physiquement ;
- maintenir le contact visuel ;
- être un interlocuteur actif en s'intéressant au contenu du message et non à la forme ;
- ralentir son propre débit de parole et lui donner un modèle de parole qu'il a la capacité de reproduire ;
- cadrer l’échange et privilégier les questions fermées ou avec des propositions du genre “tu veux du jus d'orange ou du jus de pomme ?” ;
- favoriser des moments sans parole : prendre l'enfant sur ses genoux et lui caresser la tête, c'est aussi une façon de communiquer avec lui ;
- les conseils du type “calme-toi, prends ton temps, respire” n'aident pas du tout l’enfant. Il ne faut pas chercher à le faire arrêter de bégayer mais plutôt à le comprendre comme on le ferait avec une personne qui parle une autre langue.*
Un regard neutre et bienveillant
Les parents ont toujours tendance à culpabiliser. Il est important d’apprendre à être plus doux avec soi-même, se persuader que le bégaiement n’est ni de la faute des parents ni de celle de l’enfant. La meilleurs manière d’aider un enfant qui bégaie est de porter un regard neutre et bienveillant sur le bégaiement, d'être toujours guidé par l'envie de le comprendre. Lorsqu’on sent qu'il lutte, on peut lui proposer le mot sur lequel il bute en vérifiant que c'était bien ce qu'il voulait dire. Il est important de lui laisser le temps dont il a besoin pour parler et de lui montrer qu’on a le temps de l’écouter.*
Consulter un orthophoniste
Si pendant plus de 6 mois un enfant fait manifestement des efforts pour parler, que l’on note chez lui une tendance à fermer les yeux, à crisper son visage, si l’on remarque des répétitions, des signes de tensions dans sa parole, il est justifié de consulter un orthophoniste.
Parents partenaires
Selon Philomène Tanguy, le bégaiement n’est pas un problème à résoudre. Il convient de conjuger le besoin du parent d’éliminer le bégaiement et celui de l’enfant d’être écouté, compris et accepté tel qu’il est.
Dès lors la prise en soin combine l’accompagnement de l’enfant vers une parole plus confortable et l’accueil des émotions des parents. Les parents deviennent partenaires du soin, l’objectif étant de faire baisser le “stress communicatif” autour de l’enfant.
“Votre regard plus tranquille sur le bégaiement aidera votre enfant à ne pas lutter.”*
Du médical au social
Jusque dans les années 2000 les orthophonistes ont été plutôt influencés par un modèle médical cherchant à faire disparaître le bégaiement. Mais en réalité, refouler le bégaiement ne fait que maintenir et perpétuer le problème.
Aujourd’hui, ce qui prédomine est plutôt un modèle social qui s’adapte à la personne et dans lequel le fait de communiquer est plus important que la recherche de la fluidité. Le problème n’est pas le bégaiement mais la perception qu’on en a. Dès lors, il s’agit d’explorer, de devenir expert de ce qui se passe en soi et de faire l’apprentissage de comportements plus ajustés et efficaces.
Trois programmes possibles
Le patient peut choisir trois programmes :
- le programme Camperdown permet un travail de restructuration de la parole, centré sur la recherche de fluidité ;
- le programme 2G2A (Gestes de Grande Amplitude. Articulatoire) permet un entraînement spécifique pour stabiliser le système moteur de parole ;
- la TREB (Thérapie de Réduction des Évitements dans le Bégaiement) où le patient apprend à se laisser bégayer, à bégayer confortablement.
Un parcours spontanéité
Philomène Tanguy semble avoir une préférence pour le troisième qu’elle baptise “parcours spontanéité” où le patient passe de “il ne faut pas que je bégaie” à “je choisis de m’exprimer et c’est OK de bégayer”.
“L'acceptation de l'inconfort, l'acceptation du bégaiement est un état d'ouverture, d'accueil, de non jugement de ce qui se passe à l'intérieur de soi, sans chercher à le modifier. Accepter, ce n'est pas qu'une décision dans sa tête… Ça demande du temps. Mais attention, accepter, ce n'est pas non plus se résigner.”*
S’entraîner aux techniques d’art oratoire
Elle conseille donc de s’entraîner aux techniques d’art oratoire : techniques spécifiques de la parole, placement de la voix, travail de la gestuelle, du regard, de l’ancrage au sol… Et pourquoi pas aborder le chant et la méditation de pleine conscience ?
Se dévoiler
Dans toutes les circonstances de la vie, pour un entretien d’embauche, une prise de parole en public ou un rendez-vous galant, Philomène Tanguy conseille de se dévoiler, d’accepter de se montrer imparfait, d’annoncer d’emblée son bégaiement et d’en parler sereinement.
“Se montrer plus vulnérable permet de créer un échange plus authentique.”*
Elle cite Carl Gustav Jung : “Ce à quoi on résiste persiste, ce que l’on embrasse s’efface.”.
*Bégayons sous la pluie ou l’art de bien bégayer, Philomène Tanguy, illustrations Gomargu, éditions Vuibert
En savoir +
La parole selon les philosophes grecs
La parole s’appuie, selon les Grecs, sur trois piliers : le logos (mon discours est logique, argumenté), le pathos (mon discours peut émouvoir, influer) et l’ethos (je me sens légitime de produire ce discours).
C’est le contenu du discours qui rend l’orateur convaincant, persuasif, touchant, émouvant…
“Le fond restera toujours bien plus fort que la forme. Bien bégayer et bien communiquer, ce n'est pas contradictoire“*, affirme Philomène Tanguy, orthophoniste.