Une peau surchargée de cosmétiques synthétiques deviendrait fainéante car elle ne jugerait plus nécessaire de fabriquer ses propres défenses naturelles. Conseil : n'utiliser qu'un minimum de produits, avec uniquement des ingrédients naturels…
Sommaire
- Quels mécanismes naturels pour lutter contre le vieillissement ?
- Peut-on comparer avec ce qui se passe chez les plantes ?
- Qu'est-ce qui accélère la dégradation de la peau ?
- Quels effets les cosmétiques ont-ils sur la peau ?
- Peut-on revenir en arrière ?
- Faut-il arrêter les cosmétiques artificiels ?
- Quel est le minimum de produits nécessaires pour l'entretien de la peau ?
Régis Saladin est biologiste, docteur en pharmacologie*. Il considère que la plupart des désordres de santé n'apparaîtraient pas si l'on réapprenait à écouter la nature et à écouter son corps. Les plantes sont à la base de la moitié des médicaments qui existent sur la planète. Les mécanismes de défense de la peau existent déjà dans notre corps. Que peut-on faire de mieux qu'essayer de comprendre ce que la nature peut nous offrir ? Interview.
Quels sont les mécanismes naturels qui permettent à la peau de lutter contre le vieillissement ?
Régis Saladin : Tout se passe dans la matrice extracellulaire. C'est cette couche spongieuse qu'on a juste en dessous de l'épiderme et qui permet de maintenir une peau élastique, souple et tendue. Dans cette matrice extracellulaire, on va trouver des constituants comme le collagène, l'acide hyaluronique ou les élastines. Tous ces composants assurent une couche qui permet à l'épiderme de rester jeune et en pleine forme. Depuis la naissance, il y a une balance qui se fait dans notre corps entre synthèse et dégradation. Toute notre vie, on reconstitue et on détruit du collagène ou de l'acide hyaluronique. Quand le système fonctionne correctement, on détruit ce qui est trop vieux pour remplacer par du plus jeune. Sauf qu'avec le temps, il y a un déséquilibre qui se crée et la dégradation prend le pas sur la synthèse. Le corps n'a plus assez de ressources pour fabriquer suffisamment de collagène et d'acide hyaluronique pour maintenir une matrice extracellulaire en bon état.
Peut-on comparer avec ce qui se passe chez les plantes ?
RS : Ce qui est comparable c'est la faculté d'un organisme vivant à s'adapter à son environnement pour le corriger et pour y vivre. De ce point de vue là, le règne végétal est comparable au règne animal. Mais les plantes ont leurs mécanismes propres. Par exemple, une plante exposée à un soleil intense est capable de créer une matrice gélatineuse qui va éviter le dessèchement et qui va mieux retenir l'eau. Nous sommes capables de faire la même chose. L'hiver, quand il fait froid, on va faire une petite surcharge graisseuse qui va permettre de créer une couche de protection pour la peau. On peut ainsi s'inspirer de la manière avec laquelle une plante se défend et voir si le règne animal n'a pas d'équivalent. Les mécanismes sont différents mais la démarche est similaire.
Qu'est-ce qui accélère la dégradation de la peau ?
RS : Nous sommes soumis toute notre vie à la fois au chrono-vieillissement lié au poids de l'âge, et au photo-vieillissement lié à l'environnement, par exemple l'action du soleil ou de la pollution. Ces paramètres génèrent un stress oxydant qui est à l'origine, à l'extérieur, de la dégradation de notre peau et, à l'intérieur, de la dégradation de nos organes.
Quels effets les cosmétiques ont-ils sur la peau ?
RS : La surcharge de cosmétiques rend notre corps fainéant. La plupart des molécules actives que vous trouvez dans une plante sont des molécules de défense, d'adaptation. Si vous laissez une plante dans son environnement naturel, elle va produire ces molécules et se défendre. Si vous chouchoutez cette plante, si vous la mettez en serre, l'arrosez tous les jours, lui mettez de l'engrais, retirez les tiges sèches… La plante ne produira plus ses molécules de défense car elle n'en aura plus besoin. Le corps, c'est pareil. Si vous lui apportez des solutions artificielles, la peau devient fainéante. Elle n'a plus besoin de ses défenses naturelles et va s'appuyer sur les molécules extérieures qu'on va lui apporter. Le jour où l'on cesse de les lui apporter, l'effet est dramatique.
Peut-on revenir en arrière ?
RS : C'est difficile. Le mécanisme s'oublie et disparaît. C'est comme quand on a dépassé son capital soleil, il n'y a plus moyen de se protéger. Tout dépend donc de la gravité de la situation. Par exemple, ce ne sera pas la même chose si vous commencez à 30, 40 ou 60 ans. Si vous avez 50 ou 60 ans et que vous avez mis des produits chimiques sur votre peau toute votre vie, vous aurez beaucoup de mal à vous en passez. Si vous êtes à un âge moyen, vous pourrez partiellement. Si vous commencez plus jeune, vous pourrez complètement revenir en arrière.
Dans tous les cas, faut-il arrêter les cosmétiques artificiels ?
RS : Les experts recommandent de ne pas multiplier le nombre de marques pour les produits appliqués sur la peau (voir encadré). Les dermatologues conseillent de choisir une marque et s'y tenir, éviter les cosmétiques artificiels et préférer des produits naturels voire bio où vous aurez un maximum de composants présentant un risque moindre pour votre peau.
Quel est le minimum de produits nécessaires pour l'entretien de la peau ?
RS : D'un point de vue biologique, on pourrait très bien ne jamais mettre de produit sur sa peau durant toute sa vie. Mais si l'on remonte aux sources de la dermo-cosmétique, tous les peuples primaires dès l'Antiquité ont appris à utiliser leur environnement pour se protéger, en particulier du soleil : masques à l'argile, décoctions ou autres. Le minimum c'est, dans la journée, une crème anti-oxydante pour protéger des agressions extérieures. Le soir, un crème nourrissante, grasse, qui va reposer la peau et permettre d'en conserver l'hydratation. Et la recommandation vaut pour les hommes comme pour les femmes.
*Fondateur du laboratoire Phytodia
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Pourquoi éviter de multiplier les marques ?
Régis Saladin propose une explication très simple.
"Toutes les marques de cosmétiques ont des bases de formules qu'on appelle des "châssis", faites à partir de quelques dizaines d'ingrédients. Ensuite elles ne modifient que quelques éléments pour construire leur gamme. Si l'on utilise trois marques de cosmétiques différentes, il y a fort à parier que ces produits utilisent trois châssis différents, ce qui multiplie le nombre de molécules que vous mettez sur votre peau. Vous augmentez donc le risque d'utiliser des molécules allergisantes ou provoquant un effet indésirable. Il vaut mieux éviter."