Covid-19 : comment réagir face à sa peur ?

Covid-19 : comment réagir face à sa peur ?

La peur de l'épidémie serait justifiée. Mais parmi les quatre réactions naturelles à cette peur, deux seraient contre-productives : se figer face au danger ou le combattre, tête baissée. Deux autres seraient plus constructives : se mettre à l’abri et anticiper.

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Sommaire

- Est-il est normal d'avoir peur ?
- Le vocabulaire guerrier vous semble-t-il adapté ?
- Le mot "confinement" vous convient-il ?
- Les réactions naturelles face à cette peur ?
- Les conséquences de l'attitude "combattante" ?
- Les réactions naturelles à privilégier ?
- Et anticiper ?
- Pas besoin de dévaliser les supermarchés ?
- Un conseil pour trouver le calme nécessaire ?

Le crescendo des chiffres des personnes décédées du Covid-19, les images des services de réanimation surchargés, l'avalanche des témoignages de soignants épuisés et de patients hagards… Les esprits les mieux accrochés ont du mal à ne pas paniquer devant le traitement médiatique de cette épidémie ! Nous avons demandé à Véronique Salman*, psychanalyste et coach analytique, quelles sont les meilleures manières de réagir face à cette peur.

Est-il est normal d'avoir peur face à l'épidémie de Covid-19 ?
Véronique Salman : Il est normal et heureux d'avoir peur, face à un tel prédateur, parce que, quand nous avons peur, nous sommes dans notre humanité, conscients de nos limites. Nous sommes composés d'émotions. Et cette émotion est totalement adaptée à la situation parce qu'il y a des morts, parce que, si on tombe malade, on peut souffrir, manquer d'oxygène… Heureusement que l'on ressent la peur, nous ne sommes pas des machines ou dans une forme de Toute-puissance qui nous ferait dénier ce qui se passe autour de nous. Il est important de prendre conscience sans en avoir honte. Ceux qui disent "même pas peur, même pas mal" sont ceux qui se sentent mal face à l'échec de ne pouvoir assumer leur peur ou incapables de maîtriser leurs frustrations. Oui, nous avons raison d'avoir peur. Là, nous devenons des adultes raisonnés et non des êtres à régression infantile.

Est-ce que le vocabulaire guerrier utilisé à l'occasion de cette crise vous semble adapté ?
V.S. : Honnêtement, je pense que le Président de la République a utilisé ce vocabulaire pour montrer à quel point la situation est grave et pour éveiller les consciences de ceux qui préfèrent transgresser, ceux que j'appelle les "rebelles dépendants", incapables de prendre en compte les consignes vécues comme des contraintes (voir : Covid-19, pour un confinement positif). Mais ce n'est pas vraiment une guerre. En temps de guerre, quand un obus tombe, il peut tomber sur les immeubles ! Alors que, dans le cas du coronavirus, quand on est chez soi et qu'on respecte la logique de confinement, on est à l'abri, on dispose d’aides de l’État. Cependant, je crains qu’il en faille davantage pour éveiller la conscience de ceux qui resteront de toutes façons réfractaires.

Le mot "confinement" vous convient-il ?
V.S. : Attention, les mots pèsent lourds ! Si vous regardez dans un dictionnaire la définition du confinement, c'est l'apocalypse ! Ça veut dire que le péril est terrible. La situation serait plus acceptable si l’on parlait de "mise à l'abri", de "protection", de "sauvegarde", dans une dynamique positive et bienveillante. Le confinement est oppressant. En plus, le Covid-19 est une maladie qui frappe les poumons, avec une idée d'oppression à ce niveau-là précisément du corps. Cela ne peut provoquer qu’une grande anxiété.

Quelles sont les réactions naturelles face à cette peur ?
V.S. : Il y a quatre réactions naturelles à la peur. Les deux premières sont plutôt contre-productives (voir encadré). Soit nous sommes en état de sidération, qui empêche toute action. L’inhibition nous éloigne de toute stratégie de structuration du temps, de l'espace, de l'organisation de la vie quotidienne bousculée dans ses habitudes. C'est dangereux de se mettre dans cet état, parce que cette inertie nous fait perdre un temps précieux à organiser une stratégie de protection. Et l’autre réaction naturelle contre-productive à la peur, c’est d’aller combattre ou s’opposer à l’ennemi, fût-il invisible, d’être en compétition avec lui. Le déni ("le problème n'existe pas") en est une illustration, la dénégation ("le problème existe mais je ne le traite pas") aussi.

Quelles sont les conséquences de l'attitude "combattante" ?
V.S. : C'est ce qui pousse les gens à continuer d'aller dans la rue malgré les consignes de confinement brandissant n’importe quel prétexte. Ne pas coopérer avec la situation, c'est finir par être en décalage avec les autres, à contre-courant tout le temps. Ça ne sert à rien. C'est improductif. Et surtout quelle perte d’énergie stérile qui génère énervement et agitation ! Tout à fait insupportable pour les personnes qui vivent sous le même toit ! Quand on est confiné, il faut chercher le calme, savoir accueillir et accepter les événements et non lutter vainement contre. Certaines personnes ne savent pas trouver ce calme. Probablement parce qu'ils ont été habitués très tôt, dans leur famille, à une grande agitation et qu'ils ont beaucoup de mal à s'extraire de ce système.

Quelles sont les réactions naturelles à privilégier ?
V.S. : S’échapper, comme tout être vivant face à un prédateur dangereux, et apprendre à réfléchir pour anticiper. S'échapper au sens d’une mise en protection. Là, on est dans ce que l'humain sait faire de mieux. C'est ce que représentent les mesures actuelles de "confinement". Il ne s'agit pas de fuite. Il ne faut pas le vivre de manière coupable mais de manière humaine et humaniste : protéger les siens et élaborer une stratégie autour de la préservation. Face à ce virus, il n'y a actuellement pas de meilleure solution que de vouloir se préserver et donc d'appliquer les consignes sans les vivre comme des contraintes.

Et anticiper ?
V.S. : La quatrième réaction naturelle à la peur est, en effet, l'anticipation. C'est, par définition, ce que l'adulte en chacun de nous peut produire. Quand on passe du pulsionnel instinctif, débridé, spontané, irrationnel à la réflexion autour de l'organisation du système de survie, de sauvegarde et de mise en protection, on arrive à des choses très élaborées et très durables. Certainement plus heureuses et accomplissantes (voir : Confinement : optimiser son rôle de parent).

Pas besoin, par exemple, de dévaliser les supermarchés ?
V.S. : On peut analyser le fait qu'on n'a pas assez de pâtes, de riz, de sucre. On va donc en acheter sachant que la situation risque de durer et qu’il vaut mieux sortir le moins possible. On peut faire alors des courses importantes mais uniquement à hauteur de ce que l'on croit juste, avec un raisonnement constitué d'éléments tangibles : le nombre de personnes qu'on a sous son toit, le nombre de repas qu'on a à faire, le nombre de douches…

Pour trouver le calme nécessaire en ce moment, qu'est-ce que vous conseilleriez ?
V.S. : Il y a quelque chose de merveilleux chez l'humain, c'est qu’il est un être d'adaptation. Il s'adapte tout le temps. Après la sidération de la première semaine, tout le monde s'est organisé, notamment avec les réseaux sociaux. Ceux qui avaient la capacité de poster des vidéos ont produit ce qu’ils faisaient de mieux, les uns des séances de sophrologie, les autres du yoga, les autres encore des cours de cuisine ou de musique… C'est la bonne nouvelle : très rapidement l'humain retrouve sa nature profonde à condition qu'il soit dans la coopération avec les événements.

 

*Véronique Salman est auteure de La Trilogie inconsciente, la comprendre pour aller mieux, éditions The Book Edition
Site de Véronique Salman

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Les réactions contre-productives

La sidération
"C'est ce qui s'est passé pendant la première semaine de confinement", explique Véronique Salman. "Beaucoup de gens ont été éberlués, ne sachant pas réellement comment s'organiser. Cette sidération est le propre de ceux qui ont peur de manière très intuitive et qui ne peuvent rien en faire. Elle est totalement instinctive et peut permettre de se préserver psychiquement d'une grande agression, comme un viol par exemple, en mettant l'organisme en stand by. Mais l'absence de réaction peut être est dangereuse et mal comprise."

Le combat
"On fonce tête baissée, poings devant, pour combattre l'ennemi sans forcément le connaître. Il s'agit d'une réaction épidermique sans consistance au niveau de la réflexion et qui risque d'être très dangereuse : elle nous propulse de manière mécanisée vers un ennemi qui peut être beaucoup plus armé et agressif que nous. Il y a quelque chose de débridé, pulsionnel et infantile à croire qu'il suffit de riposter de manière violente pour que ça s'arrête."

Vie Saine et Zen