Aliments ultra-transformés : comment ils modèlent notre agriculture

Aliments ultra-transformés : comment ils modèlent notre agriculture

L’industrie de transformation joue un rôle majeur dans la qualité des systèmes alimentaires.

On a souvent fait porter le poids de la responsabilité de celle-ci sur les agriculteurs, accusés d’être responsables de la dégradation de l’environnement, ainsi que sur les consommateurs, accusés de faire des mauvais choix ou de ne pas avoir assez d’activité physique pour sa santé. Pourtant les agro-industriels sont directement concernés par cette problématique.

Près de 200 études épidémiologiques (dont près de 80 études de cohorte longitudinale) démontrent qu’une consommation excessive d’aliments ultra-transformés (AUT) est associée à des risques significativement accrus de dérégulations métaboliques, maladies chroniques et/ou mortalité précoce toutes causes confondues. 

Qu’est-ce qu’un AUT ? Il se définit par la présence d’au moins un marqueur d’ultra-transformation (MUT) : des composés purifiés qui permettent de modifier le goût, la couleur, l’arôme et/ou la texture de l’aliment. Les MUT sont d’origine industrielle, obtenus par synthèse en laboratoire ou par fractionnement excessif des matrices alimentaires ("cracking") afin d’en extraire les briques élémentaires. Ils sont ensuite soit recombinés entre eux (les "fake foods", comme par exemple les confiseries industrielles ou beaucoup de steaks végétaux) soit rajoutés à de vrais ingrédients alimentaires (plats préparés ou aliments des fast-foods).

La principale raison du succès des AUT réside dans leur prix bas qui sont obtenus par l’utilisation de très peu d’ingrédients animaux ou végétaux (sur 6 000 espèces végétales cultivées à des fins alimentaires, 9 représentent 66 % de la production agricole totale). Ces ingrédients doivent être disponibles toute l’année, se conserver longtemps et être peu chers : l’agriculture et l’élevage intensifs sont donc les mieux placés pour répondre à la demande. L’industrie a ainsi fortement favorisé la dynamique de spécialisation et de standardisation de la production agricole privilégiant un petit nombre d’espèces cultivées en masse.

Or ces systèmes de production intensifs et spécialisés sont à l’origine d’émissions importantes de gaz à effet de serre et de composés azotés dans l’air, de nitrates dans l’eau, de pollutions dans les sols et de pertes de biodiversité. 
Les coûts cachés de ce système ne sont pas intégrés dans le prix de la nourriture : si l’on devait payer pour les conséquences néfastes de notre système alimentaire sur la santé (maladies liés à la malbouffe) et sur l’environnement (pollutions, émissions de gaz à effet de serre), notre alimentation coûterait deux fois son prix actuel.

Quelques industriels commence à s’approvisionner à partir de modes de production plus vertueux mais encore faut-il que les matières premières ne soient pas utilisées pour fabriquer des AUT ! Du bio ultra-transformé, hors-saison et importé n’a aucun sens pour la santé globale.
Là aussi, les politiques publiques ont un rôle à jouer pour éviter de telles dérives.

 

Source : The Conversation, Michel Duru & Anthony Fardet - 03/03/24

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