Elles sont plus fréquentes et plus graves. En cause : l'excès d'hygiène et la multiplication de nouvelles substances dans notre alimentation et notre environnement. Les allergies alimentaires peuvent se déclarer à tout âge et parfois disparaître spontanément. Les plus aiguës doivent être sérieusement prises en charge.
Sommaire
- Changements dans l'alimentation
- Trop d'hygiène
- Diversifier à temps l'alimentation du bébé
- Certaines disparaissent… ou pas
- Certaines apparaissent tardivement
- Associations avec les pollens
- Exercice physique, attention !
- Éviction ou rééducation
- D'autres traitements en expérimentation
- Utiles précautions
"Sur la population française, on estime la prévalence des allergies alimentaires, à la hausse, aux alentours de 3-4 %. Sur les enfants, on est à 7-8 %", s'inquiète Habib Chabane, allergologue, vice-président du Syfal*.
Et de plus en plus fréquemment, certaines allergies alimentaires provoquent des chocs anaphylactiques ou des bronchospasmes (contractions brutales des bronches) mortels (voir encadré).
Changements dans l'alimentation
Les changements dans notre alimentation depuis les années 1950 seraient pour beaucoup dans cet état de fait. Et quand on introduit des aliments et ingrédients nouveaux, on introduit de nouveaux allergènes.
"Chaque année il sort en Europe 20 000 nouvelles préparations alimentaires. On mange aujourd'hui des aliments qui étaient inconnus autrefois !"
Trop d'hygiène
Le fait de naître dans un pays riche fait aussi partie des facteurs de risques.
"Plus on grandit dans un environnement propre, moins on va acquérir les bons microbes pour se protéger", explique Habib Chabane. "Les enfants qui sont nés par césarienne ont plus d'allergies que ceux qui sont nés par voie naturelle parce qu'ils n'avalent pas les mêmes microbes à la naissance. L'excès d'hygiène est aussi nuisible que le défaut d'hygiène."
Diversifier à temps l'alimentation du bébé
Chez l'enfant on parle d'allergie alimentaire de type 1, qui est une réaction directe à l'aliment.
"Le premier allergène est le lait puisque le bébé ne se nourrit que de lait. Ensuite on diversifie l'alimentation. Jusqu'à 3 ans, l'œuf est l'allergie prédominante, en particulier le blanc d'œuf. Ensuite viennent l'arachide, les fruits à coque, le blé, les légumineuses."
Si l'on veut éviter les allergies, il ne faut pas retarder la diversification. "Il existe une fenêtre d'opportunité définie par l'OMS : entre 4 et 7 mois. Il faut impérativement donner le maximum d'aliments dans cette fenêtre."
Certaines disparaissent… ou pas
Les allergies alimentaires de la petite enfance sont majoritairement transitoires. "Le lait est un allergène jusqu'à l'âge de trois ans mais ensuite il diminue très vite. Moins de 1 % des cas persiste à l'âge adulte. Ensuite viennent l'œuf, puis le blé qui disparaissent en majorité. Pour l'arachide, le kiwi, les fruits à coques, 80 % des allergies persistent mais 20 % disparaissent naturellement."
Certaines apparaissent tardivement
Il arrive aussi qu'on assiste à l'apparition tardive de certaines allergies.
Explication : il y a une rupture de tolérance due à des éléments extérieurs qui viennent réveiller une prédisposition allergique. C'est ce qu'on appelle l'allergie alimentaire de type 2, celle qui se déclenche à l'âge adulte par réactions croisées avec des allergènes respiratoires.
Associations avec les pollens
"Certaines allergies respiratoires, au fil du temps, peuvent déclencher une rupture de tolérance. C'est le cas pour certains pollens qui provoquent des réactions associées à tel fruit ou légume. Par exemple le cyprès avec la pêche ou l'orange ; l'ambroisie ou l'armoise avec le melon ; le bouleau, très présent en Île de France, avec les pommes, poires, fruits à noyau, noisettes, noix et certains légumes…"
Ce type de réactions croisées peut se produire également avec d'autres allergènes, par exemple les acariens associés aux crevettes et autres crustacés. Les morsures multiples de tique peuvent déclencher chez les sujets prédisposés une allergie à la viande rouge de mammifères. L'alcool ou certains médicaments, comme les anti-inflammatoires, peuvent également agir comme cofacteur pour déclencher des allergies.
Exercice physique, attention !
"Prenez une personne allergique aux protéines de blé qui mange du pain tous les jours sans problème et qui, quand elle court, déclenche une allergie." Dans ce phénomène plusieurs mécanismes physiologiques sont à l'œuvre pour que les protéines tolérées dans d'autres situations passent en grandes quantités dans l'organisme et déclenchent l'allergie.
Éviction ou rééducation
L'éviction de l'aliment qui pose problème est efficace dans les allergies de type 1. Mais elle ne doit pas être stricte, sauf dans de rares cas.
"On a comparé deux groupes d'enfants, les uns avec une éviction stricte, les autres pouvant manger des aliments qui contiennent des traces. Le second groupe perdait plus facilement ses allergies et devenait tolérant alors que le premier les aggravait et faisait des chocs plus sévères", raconte Habib Chabane.
Mais aujourd'hui il n'y a pas que l'éviction pour traiter l'allergie alimentaire. "On peut rééduquer l'organisme en donnant de petites quantités d'allergènes croissantes, progressives. Quelqu'un qui ne tolérait pas un dixième d'arachide va, au bout d'un an, tolérer cinq ou six arachides. Cela veut dire que, s'il en ingère accidentellement, il ne se passera rien. On gagne beaucoup en sécurité."
D'autres traitements en expérimentation
Il existe actuellement des essais avec des patchs que l'on met sur la peau et qu'on change tous les jours. "Les premiers résultats avec l'arachide sont extrêmement encourageants. D'autres essais sont en cours pour l'œuf et le lait."
D'autres pistes sont explorées du côté du microbiote intestinal (Voir : Microbiote intestinal : une révolution pour la médecine ?). "À l'avenir, par le biais du microbiote on arrivera peut-être à prévenir beaucoup de maladies et à empêcher que des allergies se développent", se réjouit Habib Chabane.
Utiles précautions
Dans tous les cas, quand on a un terrain allergique, il convient de prendre quelques précautions. Il faut savoir notamment lire les étiquettes sur les produits alimentaires. Il existe en Europe une obligation d'étiquetage pour 14 allergènes : céréales contenant du gluten, crustacés, œufs, poissons, arachide, soja, lait, fruits à coques, céleri, moutarde, graines de sésame, sulfites, lupin, mollusques**…
Il est également prudent de faire un bilan. L'allergologue est là pour expliquer comment faire son diagnostic, comment bien connaître ses allergies, comment savoir les éviter et, le cas échéant, se munir d'une trousse d'urgence.
"Pour ceux qui ont des réactions graves, il existe de l'adrénaline auto-injectable. Nous apprenons au patient quand et comment l'utiliser… Cela permet de sauver des vies dans certaines circonstances."
*Syndicat français des allergologues
Source complémentaire :
**Le Grand Livre des allergies, Benoît Wallaert, Joëlle Birnbaum, éditions Eyrolles
En savoir +
Allergies alimentaires : symptômes
Ils sont variés, concernent les adultes comme les enfants et se modifient avec l'âge.
Les symptômes peuvent toucher un ou plusieurs organes :
- la peau : urticaire, dermatite atopique ;
- les muqueuses : œdème des lèvres, de la gorge ou du larynx ;
- le tube digestif : régurgitations, vomissements, constipation ou diarrhée ;
- les voies respiratoires : asthme, rhinite.
Le choc anaphylactique (réactions allergiques exacerbées) est, lui, un ensemble de symptômes généralisés.
Il existe des formes graves qui peuvent entraîner le décès :
- le choc anaphylactique ;
- l'œdème du larynx ou œdème de Quincke ;
- l'asthme aigu grave.