Émission de gaz à effet de serre, pollution de l'air, production de déchets, détérioration des milieux par le tourisme de masse, l'impact du transport aérien sur l'environnement est tel qu'il devient urgent de trouver des solutions…
Sommaire
- Le transport des riches
- Gaz à effet de serre
- Pollution de l'air
- Déchets en pagaille
- Tourisme de masse
- Le rêve de la multinationale
- Pour un tourisme durable
- Vers un meilleur usage de l'avion
Connaissez-vous le flygskam ? Le mot est suédois et désigne littéralement, la honte de prendre l’avion. Lancée en 2018 sur les réseaux sociaux, l'expression a été popularisée notamment par la jeune militante écologiste Greta Thunberg. Elle reflète le renversement qui est à l'œuvre dans notre société. Après avoir été le symbole de l'aventure et du progrès, de la liberté et du glamour, de la modernité et du luxe, le vol en avion devient difficile à assumer par le consommateur, du fait de son fort impact sur l'environnement.
"Voyager en avion, c’est aujourd’hui prendre le risque d’être taxé de pollueur", affirme Sébastien Porte, journaliste indépendant, spécialiste de l'environnement, qui ajoute que c'est "l’exemple même du moyen de transport à bannir"*.
Le transport des riches
L’injonction à la mobilité est, selon lui, l’essence même de notre civilisation. "Le monde d’aujourd’hui ne vit que dans l’urgence et le zapping, l’obsession de l’action, du mouvement."*
Aujourd'hui, dans notre pays, la moitié des déplacements en avion est le fait des 2 % de Français les plus riches. Les trois quarts ne concernent que 20 % de la population.
Il y avait 2 milliards de passagers par an en 2005, 3 milliards en 2013 et 4 milliards en 2017. Problème : avec l'arrivée dans les aéroports des voyageurs des pays émergents, ce sont 16 milliards de passagers annuels qui emprunteront les avions en 2050.
Gaz à effet de serre
Or l'avion a un impact sur l'environnement à plusieurs niveaux.
Tout d'abord l'avion rejette dans l’atmosphère des gaz à effet de serre qui contribuent au dérèglement climatique. En France, l’aérien représente 4,6 % des émissions (cinq à six fois moins que le trafic routier, trois fois plus que le transport maritime et fluvial).
L'impact à terme pourrait monter à 22 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2050. Les industriels du secteur ont pris l’engagement de réduire de moitié les émissions de CO2 d’ici à 2050. Sébastien Porte considère que ce n’est qu’un vœu pieux. L’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) prévoit que ces rejets vont au contraire être multipliés par deux entre 2020 et 2050.
Pollution de l'air
Un avion émet, à basse altitude, lors des phases d’approche, de roulage, de décollage et de montée de l’avion, des pollutions directes qui sont toxiques pour la santé humaine : NOx, CO2, composés organiques volatils et particules fines. La palme revient donc aux court-courriers qui sont les plus polluants. On estime chaque année à 16 000 le nombre de décès prématurés dus à cette mauvaise qualité de l’air. L’aviation tuerait 20 fois plus par sa pollution que par ses crashs !
Déchets en pagaille
La masse des déchets de cabine est impressionnante : 6,2 millions de tonnes dans le monde en 2018. Sans parler des cimetières de vieux zincs : que faire des restes non recyclables des appareils en fin de vie ?
"En imaginant qu’un jour tous les avions du monde se tiennent par les ailes pour aller mourir ensemble dans les mêmes sites de déconstruction, il restera néanmoins encore 10 % de leur masse qu’il faudra traiter comme du déchet ordinaire (en particulier le plastique)."*
Tourisme de masse
La masse de touristes transportée en avion joue un rôle important dans la détérioration des milieux et des paysages. En cause : une forme de tourisme "qui pollue, bétonne, étouffe les villes de fast-foods et de magasins de souvenirs, chasse les habitants en périphérie"*. Ces espaces déshumanisés deviennent ensuite des "décors d’opérette" avec des rues et des monuments en trompe-l’œil, des commerces folklorisés.
Le rêve de la multinationale
Agent actif de la globalisation, l’avion serait devenu le mode de transport d'une population hors-sol, analyse Sébastien Porte. Il s'agirait d'une classe sociale nouvelle composée de touristes, d'hommes d'affaires ou de jet-setteurs "qui viveraient en apesanteur, évoluant tour à tour dans le ciel, les zones de transit et les quartiers gentrifiés des grandes mégalopoles"*. Des gens qui ne s'immergent pas dans les populations locales et pratiquent l’entre-soi jusqu’à l’excès. L'avion serait ainsi devenu le rêve de la multinationale.
"En facilitant la circulation des personnes et des informations, il a contribué à faire de la planète un village, les humains s’influençant les uns les autres, reproduisant ici ce qu’ils ont vu ailleurs."*
Pour un tourisme durable
On comprend que ce modèle n'est plus tenable. Le constat est aujourd'hui largement partagé, même par les professionnels de l’aviation et du tourisme. C'est pourquoi on assiste, depuis quelques années, à des recherches actives en matière technologique (voir encadré) et des assauts vertueux et parfois sincères pour "voyager autrement", de façon "durable", "responsable", "éthique".
Entre le tourisme durable, le tourisme de masse et pas de tourisme du tout, Sébastien Porte choisit le premier sans hésiter.
"Il n’est pas sûr qu’un retour au statu quo d’avant l’invention du tourisme soit globalement souhaitable pour l’avenir de l’humanité."*
Le tourisme idéal serait donc, pour lui, un tourisme solitaire ou en très petit groupe, avec des déplacements qui s'inscrivent dans le temps long (voir : Se passer d'avion ?).
Vers un meilleur usage de l'avion
"L’avion est un outil extraordinaire pour rapprocher les hommes, s’ouvrir au monde, à la beauté de la nature, un outil qui structure nos existences contemporaines, mais nous devons apprendre à en faire un meilleur usage, à ne l’utiliser que quand nous en avons vraiment besoin. (…) L’urgence à présent est de fixer le seuil qui sépare son usage primordial de son usage irraisonné. Mettre fin au règne de l’avion-roi avant que ce règne ne se transforme en tyrannie écocidaire, avant que ne survienne le crash qui pourrait s’avérer fatal."*
Source :
*Le dernier avion, Comment le trafic aérien détruit notre environnement, Sébastien Porte, éditions Tana
En savoir +
Des avions plus propres ?
Des machines moins gourmandes
Depuis les années 1960, la consommation de kérosène dans les avions a été divisée par 5.
Les appareils d'aujourd'hui consomment 15 % à 20 % de moins que ceux de la génération précédente.
"Leur dépense en kérosène oscille entre 2 et 3 litres par passager pour 100 km, ce qui équivaut à la performance d’une bonne voiture hybride"*, explique Sébastien Porte.
Du kérosène bio : intéressant si tant est qu'il soit de 2e ou 3e génération. La piste n'est pas à négliger mais aujourd'hui les biocarburants ne représentent que 0,04 % de la consommation mondiale de kérosène. D’ici à 2030 ou 2045, ils pourraient représenter de 30 et 50 % de la consommation totale.
Des avions électriques ?
Exclu pour les longs courriers, en raison d'impossibilités techniques (poids des batteries).
Pour les moyens courriers, l'avion hybride est possible avec un apport en électricité de 10 à 15 % (ce qui ne changera pas grand chose à la donne environnementale).
Les essais de pile à hydrogène, par Airbus et Siemens en 2016, sont restés sans lendemain.
En résumé, pour Sébastien Porte, aucune option technologique n'apporte de solution à assez court terme et à une échelle d’ampleur suffisante. Ce qui n'empêche pas de les explorer, même si leurs bénéfices ne s'exercent qu'à la marge.
95 %
des habitants de la planète
n’ont jamais pris l’avion*
2 à 3 %
de la population mondiale
sur les vols internationaux*
16 milliards
de passagers
prévus en 2050*