Financer la transition écologique

Financer la transition écologique

Les besoins sont importants mais le monde de la finance est encore peu mobilisé. Pas facile pour les particuliers d’orienter leur épargne en connaissance de cause ! Les labels des “fonds verts” peinent à éviter le greenwashing.

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Sommaire

- L’empreinte carbone des banques
- Règlementation européenne
- Une "taxonomie verte"
- Des épargnants mieux informés
- Des labels avec une marge de progression
- Neutralité carbone pour les banques ?
- Un coût justement réparti

Remis en mai 2023, le rapport de Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry estime à 60-70 milliards d’euros le coût des stratégies d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre en France d’ici 2030. Cela représente 2,5 % du PIB (Produit Intérieur Brut). 
Le coût de l’inaction est largement plus élevé. Le rapport Stern le situait au niveau mondial entre 5 et 20 % du PIB mondial contre seulement 1 % pour celui de l’action.
"Financer massivement la transition est un choix rationnel qui relève aussi d’une logique purement économique"*, affirme Margot Jacq, spécialiste de la transition écologique des territoires. 

L’empreinte carbone des banques
Les banques jouent donc un rôle important dans la trajectoire climatique, d’autant que 98 % des émissions liées aux activités bancaires sont générées en aval, par les projets financés par le crédit. Selon l’ONG Oxfam, l’empreinte carbone des grandes banques françaises représente près de 8 fois les émissions de gaz à effet de serre de la France entière.** 

Les banques sont des entreprises privées qui font des choix de financement d’abord guidés par la rentabilité. Aujourd’hui elles doivent également mesurer leur vulnérabilité financière par rapport aux risques climatiques et aux risques liés à la transition : fréquence accrue des catastrophes naturelles, dépréciation de certains actifs (par exemple du fait de l’érosion des côtes ou d’une mauvaise isolation de bâtiment).

Règlementation européenne
Depuis deux ans, il existe de nouvelles réglementations au niveau européen visant à contraindre les institutions financières (banques, assurances et sociétés de gestion) à prendre leurs responsabilités en réorientant leurs financements vers plus de durabilité : stratégies de transition à long terme, plus de transparence vis-à-vis de la société civile, des institutions et des épargnants. 

Une "taxonomie verte"
À partir de 2025, les entreprises seront tenues de  livrer un certain nombre d’informations sur leurs activités dans le cadre du "Corporate Sustainability Reporting". Elles pourront ainsi aligner leur activité sur la "taxonomie verte européenne", un outil qui se veut "anti-greenwashing" mis en place par l’UE pour repérer les investissements durables. De quoi s’agit-il ? C’est un "système de classification des activités économiques qui permet d’identifier celles qui sont durables sur le plan environnemental, c’est-à-dire qui n’aggravent pas le changement climatique". 
Certains secteurs controversés ont fait l’objet de nombreux débats à l’issue desquels le nucléaire, la production de gaz et l’aviation ont été intégrés sous certaines conditions très strictes.

Des épargnants mieux informés
Les obligations des banques vis à vis des épargnants ont également évolué. Depuis 2022, elles doivent leur demander d’exprimer leur souhait non seulement sur le rapport rentabilité/risque du placement mais aussi sur leurs préférences en matière sociale ou environnementale (climat, biodiversité, eau…).
Il existe aujourd’hui des milliers de Fonds verts censés financer des entreprises dont les activités ne sont pas nocives pour l’environnement. Les particuliers peuvent y souscrire dans le cadre d’une assurance-vie, de l’épargne salariale ou d’un plan d’épargne en actions (PEA).

Des labels avec une marge de progression
Il existe aujourd’hui plusieurs labels, tous en cours de révision, dont les garanties sont plus ou moins strictes (voir encadré)…

- Le label ISR (Investissement socialement responsable) est le plus connu et, pour l’instant, le moins exigeant puisqu’il couvre quasiment 50 % du marché des fonds. Il est sous la responsabilité du ministère de l’Économie et finance par ordre décroissant : LVMH, ASML, Holding Schneider Electric, L’Oréal, Total, Sanofi…

- L’écolabel européen concerne des fonds censés respecter la règlementation européenne : la moitié de l’épargne doit être injectée dans des sociétés ayant adopté des engagements environnementaux et quatre secteurs d’activité sont exclus : énergies fossiles, pesticides, tabac, armes controversées. Problème : selon Que Choisir, seulement 1 % des fonds labellisés respecterait ces critères.***

- Le label GreenFin, créé en France, a un cahier des charges plus exigeant. Il permet d’investir au moins 16 % dans des secteurs jugés durables (énergies renouvelables, mobilités douces…) et exclut tous les secteurs portant préjudice à l’environnement. Il sera aligné prochainement sur la taxonomie verte européenne.

- Le label FinanSol est le plus ancien (voir : L’épargne solidaire : quand l’argent devient plus humain) et celui qui présente les critères les plus sévères. Il vise à apporter 10 % des placements au financement d’entreprises ou d’associations de l’économie sociale et solidaire.

Neutralité carbone pour les banques ?
Du côté des banques, la quasi totalité des groupes bancaires français s’est engagé vers une démarche de neutralité carbone à l’occasion de la COP 26 à Glasgow (à voir sur la durée la réalité des promesses tenues). 
Les épargnants les plus convaincus peuvent toujours se tourner vers les banques historiques les plus engagées dans la durabilité : la NEF ou le Crédit coopératif.

Un coût justement réparti
Le rapport Pisany-Ferry préconise la mise en place d’une forme d’ISF climatique, un impôt exceptionnel et temporaire sur le patrimoine financier des 10 % de ménages les plus aisés. Margot Jacq estime néanmoins qu’une seule mesure ne suffira pas. Il faudra, selon elle, un cocktail de plusieurs actions : bonus-malus, taxes venant sanctionner les comportements néfastes pour l’environnement, soutien pour les comportements vertueux, recours à l’emprunt…
"Le coût de la transition ne sera accepté que s'il est justement réparti."*


Sources :
*Petit manuel de répartie écologique, Margot Jacq, éditions Les Liens qui Libèrent
**The Conversation : Banques et finance durable : comment choisir où placer notre épargne ?
***Que Choisir n°635 : Fonds verts Repérer les plus fiables

 En savoir +

Oser les fonds verts

75 % des Français affirment que l’impact des placements sur la qualité de l’environnement est important.
Pourtant, selon le magazine Que Choisir, moins de 1 % de leur épargne est placée dans des fonds verts (soit moins de 20 milliards d’euros pour un besoin de 30 à 65 milliards d’euros par an).*** 

Vie Saine et Zen