Sortir du duo tragique sauveur-sauvé

Sortir du duo tragique sauveur-sauvé

Sauveurs sains ou pathologiques, l’origine du trouble remonte généralement à un narcissisme blessé pendant l’enfance. Pour sortir du schéma tragique sauveur-sauvé, il existe heureusement un chemin de guérison.

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Sommaire

- Un sauveur sachant sauver
- Doudou, béquille, paratonnerre ou thérapeute
- Un échec inéluctable
- Sauveurs sains
- Sauveurs pathologiques
- Harponner le sauvé
- De la lune de miel à la rupture
- Tragédie du sauveur
- Tragédie du sauvé
- Un chemin de guérison

Le syndrome du sauveur n’est pas une maladie mais un simple trouble psychologique. Il s’agit d’une compassion excessive à l’égard de personnes en souffrance. Ce trouble est à l’origine d’une pièce tragique qui se joue entre deux protagonistes, le sauveur et le sauvé, dans une dramaturgie qui met en scène de fortes passions heureuses et malheureuses, des comportements héroïques, des émotions comme la peur, des sentiments comme la pitié.
“Seulement, la tragédie est avant tout une pièce qui se termine mal”*, affirme Hélène Vecchiali, psychanalyste et coach.

Un sauveur sachant sauver
“La première tragédie de notre saint-bernard, c’est qu’il sait sauver !”*
Et c’est la plupart du temps pendant son enfance qu’il a dû apprendre à le faire afin de soutenir des membres de sa famille ou surmonter un manque d'intérêt, ayant souvent subi de la maltraitance ou de l'indifférence. Dans tous les cas, la répercussion a été la même : le narcissisme de cet enfant a été meurtri.
“Puisque je ne peux compter que sur moi, je me dois d'être tout puissant”, pensent certains enfants qu'on a laissé tomber et qui sont devenus ainsi des sauveurs.

Doudou, béquille, paratonnerre ou thérapeute
Certains enfants se mettent ainsi dans une position de filiation inversée, devenant le parent de leurs parents. Non pas dans un but altruiste mais simplement pour assurer leur survie psychique. 
Il en existe tout une typologie : nourrisson savant, enfant doudou, enfant béquille, enfant paratonnerre, enfant symptôme, enfant thérapeute, enfant soleil… 

Un échec inéluctable
Dans tous les cas, selon Hélène Vecchiali, l’échec est inéluctable car l'enfant n'a pas les moyens émotionnels, psychiques et intellectuels pour prendre en charge un adulte. Et il y a un autre échec qui le guette : l’absence de récompense pour ses bienfaits.
“Tacitement, il espère un troc, rêve d'un troc : “je te prends en charge, aime-moi un petit peu, même juste un peu, s'il te plaît !” Malheureusement ce deal n'existe que dans son fantasme car un deal à un seul partenaire est nul et non avenu.”*
Ce sont ces différents échecs que le sauveur essaiera de réparer toute sa vie durant, en tentant de réussir là où il a échoué avec ses parents.

Sauveurs sains
Thérapeute, pompier, avocat ou autre, il existe heureusement des sauveurs sains. Ils reconnaissent tous qu’une expérience d’enfant a guidé leur choix d’adulte. Mais “ils ont acquis, au fil du temps, suffisamment de recul pour dépasser leur compulsion et être désormais animés par la seule volonté d’aider”*.

Sauveurs pathologiques
Il y a également des pompiers pyromanes ou des infirmières tueuses… Ces sauveurs pathologiques se comportent à la manière de Procuste, un personnage de la mythologie grecque.
"Fils de Poséidon, c'est un brigand de l’Attique qui capture ses victimes, puis les allonge sur un lit ; si elles sont trop grandes, il coupe les extrémités qui dépassent ; si elles sont trop petites, il tire sur leurs pieds jusqu'à ce que leur taille s'adapte parfaitement à leur couche !”*
On croise ainsi des médecins, des infirmiers, des psys, des kinés, des coachs ou autres thérapeutes qui nourrissent leur narcissisme blessé en se revendiquant les seuls en capacité de sauver certains patients. Ce serait ces derniers qui devraient s'adapter à eux et non l'inverse. Ces soignants “procustiens”, sans humanité, veulent à tout prix faire entrer leurs victimes dans leur moule. 
“Ils ne tiennent pas compte de leur interlocuteur car ils savent ce qui est bon pour eux et, avec ou sans leur consentement, ils vont leur ordonner LE bon soin qui va les sauver.”*

Harponner le sauvé
Le sauvé est, lui, est une personne en difficulté qui se trouve dans l’entourage du sauveur. Généralement, il ne demande et n’attend rien de personne. Mais il présente des fragilités similaires à celles que le sauveur a rencontrées chez son parent d’autrefois. Le sauveur harponne littéralement celui ou celle avec qui il sent qu’il pourra reproduire un schéma déjà connu et qui, pourtant, le conduira toujours à une tragédie. En revanche, le sauveur écarte instinctivement de son champ relationnel toutes les personnes n’ayant pas de faille psychique majeure.

De la lune de miel à la rupture
S’ensuit une phase de lune de miel où le sauveur (sachant sauver) fait preuve d’une efficacité à toute épreuve : empathie, bienveillance, solutions novatrices, anticipation des besoins… Mais il franchira la ligne rouge en se rendant omniprésent voire envahissant. L’assistanat excessif ne peut bien-sûr conduire qu’à la rupture.
"Généralement, celle-ci survient de deux façons : soit le sauvé mord la main qui l’a nourri (ou plus exactement gavé), soit le sauveur ne supporte pas la guérison de son protégé et réagit avec violence à ce qu'il ressent comme un abandon et de l’ingratitude"*, détaille Hélène Vecchiali.

Tragédie du sauveur
La tragédie du sauveur a pour origine les troubles de l’enfance qui l’ont éloigné de ses propres besoins, désirs et envies et orienté vers le sacrifice. Or le sacrifice ne peut être parfait qui si l’on n’attend rien en retour, ce qui est rarement le cas des sauveurs qui courent après le besoin d’être aimés. À l’arrivée, le sauveur n’obtient pas cet amour espéré, il est codépendant du sauvé et finit par l’insupporter. Il risque de finir seul et aigri, d’autant qu’il ne sait pas recevoir. Il devient alors la proie idéale pour un pervers narcissique et le sujet parfait pour un burn-out.

Tragédie du sauvé
Le sauvé, lui, n’a rien demandé et a fini par contracter une dette souvent impossible à rembourser. Ayant trop reçu, souvent envoûté par son "ange gardien", il a le sentiment d’avoir perdu sa dignité, puisqu’il a dévoilé son effondrement. Il entre alors dans un cercle vicieux de perte d’estime de soi.

Un chemin de guérison
Pour l’un comme pour l’autre, il y a bien-sûr un chemin de guérison qui passe par la prise de conscience des souffrances, des mécanismes de défense, des schémas répétitifs et du système toxique sauveur-sauvé.

"Les sauveurs ont de multiples ressources, ils l'ont prouvé. L'une d'entre elles, et non des moindres, consiste en une extraordinaire clairvoyance qui, appliquée à eux-mêmes, leur permet, lorsque la souffrance est devenue intolérable, de transmuter à leur rythme le plomb en or, c'est-à-dire de convertir vide et tragédie en plénitude et vitalité retrouvée. Ou plutôt trouvée"*, conclut Hélène Vecchiali.


*La tragédie des sauveurs Ou le besoin ardent d’être aimé, Hélène Vecchiali, éditions Marabout

 En savoir +

 Quatre type de sauveurs

Il y aurait quatre types de sauveurs, d’après les travaux de deux psychologues cliniciennes états-uniennes, Mary C. Lamia et Marylin J. Krieger…

- Le sur-empathique craint plus que tout la distance émotionnelle, alors il se rend indispensable.

- L’humilié manque de confiance en lui, veut être aimé et apprécié pour cacher son extrême fragilité.

- Le terroriste/terrorisé a vécu une enfance toxique et sauve pour dominer l’autre.

- Le sauveur sain est équilibré, altruiste, généreux et ravi lorsque son protégé s’en sort.

Vie Saine et Zen