ÉDITO DE FRANCK ARGUILLÈRE

ÉDITO DE FRANCK ARGUILLÈRE

Il a fallu attendre le 18e siècle pour que la science occidentale découvre l'existence d'un rythme biologique correspondant à un cycle de 24h. Ce qu'on appelle le rythme circadien. En observant une variété de mimosa, Jean-Jacques d’Ortous de Mairan (1678-1771) émit l’hypothèse d’une horloge interne permettant aux organismes vivants de se caler sur l’alternance des jours et des nuits. Et ce n'est qu'en 1985 qu'on commencera à élucider les mécanismes biologiques complexes régissant l’horloge biologique avec les travaux sur la mouche drosophile de Jeffrey Hall et Michael Rosbash ainsi que de Michael Young, prix Nobel à la clé.

Depuis, l’horloge biologique a été localisée dans l'hypothalamus et n’a cessé de révéler son influence majeure sur le bon fonctionnement de tous les organismes vivants, notamment sur le métabolisme et la santé des êtres humains.
On sait aujourd'hui qu'elle commande, entre autres, la production cyclique de nombreuses hormones indispensables au bon fonctionnement de notre organisme. La plus connue est la mélatonine, pour le sommeil, mais il y a aussi la ghréline, qui stimule l’appétit (vers 8h, 13h et 18h), la leptine, antagoniste de la ghréline qui favorise l’arrêt de prise de nourriture (vers 16h et 19h), l’adiponectine, l’insuline…

Une des conséquences de ces découvertes au quotidien : des chercheurs ont montré que manger un petit-déjeuner copieux plutôt qu'un dîner consistant contribue à prévenir l'obésité et l'hypoglycémie (baisse anormale du glucose dans le sang).

La variable de chronobiologie est de plus en plus intégrée en pharmacologie : les médicaments et les vaccins répondent différemment selon l'heure de leur administration. L’hôpital Paul Brousse (AP-HP, Villejuif) s'est doté d’une unité de chronothérapie, sous l'impulsion du Docteur Francis Lévi. Il a été constaté, par exemple, que le médicament anticancéreux fluorouracile est plus efficace et bien moins toxique lorsqu’il est perfusé la nuit autour de 4 h du matin, plutôt qu’à 4 h de l’après-midi.
Cette approche est encore balbutiante mais elle ne cesse de se répandre dans le milieu hospitalier, pour le grand bénéfice des malades.

Âgée de plusieurs milliers d'années, la médecine traditionnelle chinoise, fondée sur l'expérience et l'observation du vivant, avait parfaitement cerné le phénomène du rythme circadien. Elle affirme depuis longtemps l’existence d’une temporalité dans les processus physiologiques du corps. Selon elle, les organes vitaux sont plus actifs à certains moments de la journée et il y a une harmonie entre le corps et les signaux de la nature et de l’environnement.

Heureusement, nombreux sont ceux qui consacrent leur vie à faire dialoguer les deux approches et progresser les connaissances humaines. C'est ceux-là que je privilégie, pour ma part, car la vie est courte et nous n'avons pas le temps d'attendre que la science occidentale ait fini d'inventer l'eau tiède.

Vie Saine et Zen