Jeûner ou pas ?

Jeûner ou pas ?

Le jeûne a le vent en poupe ! D'autant que certaines études scientifiques en ont démontré les bienfaits… Mais il reste encore controversé et le monde médical l'intègre à reculons dans sa panoplie thérapeutique.

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Sommaire

- Nature et religion

- Des études dans le domaine du cancer

- Des bienfaits thérapeutiques

- On ne jeûne pas pour mincir

- À faire en conscience

Sans être une mode, le jeûne est dans l'air du temps et le "manger moins" correspond bien au tournant de notre monde vers une société de "sobriété heureuse".
"En France, dans la mouvance des médecines douces, il était renommé depuis longtemps mais réservé à un public initié, un peu comme le bio. Aujourd'hui il y a un mouvement de grande ampleur pour remplacer les médicaments par des solutions naturelles. De plus en plus de Français s'intéressent donc au jeûne. Mais on est encore loin de l'Allemagne où plus de 50 % des gens ont déjà pratiqué le jeûne thérapeutique", explique Patricia Riveccio*, journaliste indépendante spécialisée dans la santé.

Nature et religion
Le jeûne existe dans la nature chez les animaux : les ours, les oiseaux migrateurs, les reptiles, les manchots, les tortues…

Chez l'homme, il a été intégré dans les religions depuis des millénaires. C'est peut-être en France une des causes des réticences à son sujet : "Les gens qui entreprennent un jeûne le font pour des raisons spirituelles ou religieuses ou sur des conceptions qui me semblent surannées", affirme Serge Rafal**, médecin généraliste, spécialiste des médecines alternatives et complémentaires. Pour lui, le jeûne ne présente pas de risque particulier mais il n'en voit pas l'utilité. "Je pense qu’il vaut mieux renforcer l’organisme par des nutriments bien choisis plutôt que de proposer une diète totale. En revanche, des solutions moins radicales comme un jeûne partiel à base de jus de légumes et de fruits peut trouver grâce à mes yeux pour des périodes courtes et sous surveillance médicale."

Une grande majorité du monde médical en France reste sceptique par rapport au jeûne.
"La conviction des médecins peut se résumer ainsi : il faut bien manger pour bien se porter ; si on ne mange pas, c'est contraire à la nature ; si on est malade, il faut manger", explique Patricia Riveccio.

Des études dans le domaine du cancer
Pourtant de récentes études ont montré les bienfaits du jeûne sur le plan thérapeutique.
"Valter Longo, un gérontologue italien qui travaille aux États-Unis, a montré que la restriction calorique permet de vieillir en meilleure forme. Par la suite, il a publié en 2012 une étude montrant que des souris qui jeûnaient avant une chimiothérapie étaient plus robustes et survivaient au traitement, alors que les autres non", explique Patricia Riveccio.

En France, certains cancérologues comme Michel Lallement ou Laurent Zelek sont favorables au jeûne et constatent une amélioration de la tolérance à la chimiothérapie notamment lorsque le patient jeûne la veille du traitement, le jour même et le lendemain.
"Michel Lallement dit que le jeûne n'affaiblit pas mais qu'au contraire, il renforce", précise Patricia Riveccio. "C'est une idée qui va à l'encontre des craintes de nombreux médecins."

Des bienfaits thérapeutiques
En Allemagne, Heinz Fahrner, médecin-chef durant 30 ans à la clinique Buchinger, spécialisée dans le jeûne, considère que "le jeûne thérapeutique est le moyen le plus puissant pour mobiliser les forces autoguérissantes de l'être humain, aussi bien sur le plan physique que sur le plan émotionnel". (Voir encadré)

Selon Patricia Riveccio, jeûner de temps en temps serait un moyen efficace pour nettoyer l'organisme, diminuer l'hypertension, le risque de maladies cardiovasculaires et de diabète, augmenter le niveau d'hormone de croissance, améliorer la qualité du sommeil et perdre la graisse en excès. De bons résultats ont été obtenus sur les maladies psychiatriques et sur l'augmentation de la longévité.

On ne jeûne pas pour mincir
Gérard Apfeldorfer, psychiatre et psychothérapeute, n'est pas opposé à l'idée de faire des jeûnes de temps à autre en prenant un certain nombre de précautions. "Jouer avec la nourriture, avec ses sensations alimentaires, pourquoi pas, c'est une façon aussi d'explorer ses propres réactions, son corps. Les corps cétoniques (voir encadré) induisent une sorte d'ivresse du jeûne, de sensation d'euphorie, de toute puissance, au bout de 24 heures. Et même peut-être avant. Jeûner sur une courte période n'est pas dangereux. Le problème apparaît lorsque l'on transforme le jeûne en méthode pour maigrir. On bascule alors dans la folie."

Le jeûne permet certes d'éliminer quelques kilos en trop, mais pas de maigrir. Et il faut se méfier de l'effet rebond : quand on prive son organisme, il stocke.
"Ceux qui jeûnent pour mincir ont tout faux. On le fait pour la santé", confirme Patricia Riveccio. "On peut récupérer ses kilos et même en gagner des supplémentaires si l'on n'est pas attentif à la manière de reprendre l'alimentation. Après huit jours de jeûne, il faut au moins cinq jours pour se réalimenter progressivement. Si on mange un steak-frites deux jours après, l'organisme ne comprend pas !"

À faire en conscience
On peut faire seul l'expérience du jeûne ou de la monodiète pendant un jour ou deux. Au-delà, il vaut mieux être encadré, surtout si l'on tente l'expérience pour la première fois.
Dans tous les cas, jeûner nécessite une soigneuse préparation. "Un jeûne n'est pas anecdotique, c'est quelque chose d'important, à faire consciemment." (Voir : Le jeûne, mode d'emploi)

 

*Auteure notamment de Bienfaits et vertus du jeûne, éditions Larousse
**Auteur notamment de Mon guide des médecines douces, L'alimentation antioxydante, Vaincre le stress avec les méthodes douces, éditions Marabout

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Les mécanismes du jeûne

16 heures après le dernier repas, l'organisme commence à puiser dans ses réserves de graisses et de protéines pour trouver l'énergie dont il a besoin. Il va ensuite mobiliser ses ressources dans des tissus non essentiels ou inutiles. Résultat : plus un tissu est pathologique ou sclérosé plus il subira un processus d'autodigestion qu'on appelle "autolyse".

On peut distinguer trois phases dans le jeûne :
- Phase protéique dans une première période de jeûne, de 1 à 3-5 jours : le glucose nécessaire au fonctionnement de l'organisme est synthétisé principalement à partir des protéines.
- Phase cétonique dans une deuxième période, de 5 à 40 jours : ce sont les lipides qui prennent le relais des protéines corporelles ; le glucose est remplacé par des substances (corps cétoniques) synthétisés à partir des acides gras.
- Phase terminale : au-delà de 40 jours, il y a une augmentation de la concentration de glucose dans le sang, explicable par la nécessité de se mettre en mouvement pour chercher de la nourriture.
Il n'y a pas de bénéfice, bien sûr, à aller dans la phase terminale.

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