Le bio moins cher mais à quel prix ?

Le bio moins cher mais à quel prix ?

Sorti de son marché de niche depuis quelques années, le bio devient un enjeu majeur pour attirer le consommateur. Pour preuve la récente bagarre d'affiches entre les géants de la distribution sur le bio moins cher. 
Mais ce bio que nous trouvons dans les hyper et supermarchés est-il le même qu'ailleurs ?...

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Sommaire

- La grande distribution joue la carte du bio 

- Le cahier des charges protège
- La culture de la qualité ?

- Consommer local ?

- Vers du bio intensif ?
- Une bio à deux vitesses

En pourcentage de part de marché, le bio ne représente pas encore grand chose. Mais en terme d'image et en perspective d'avenir, la grande distribution est maintenant convaincue. C'est parce qu'elle a pris acte de l'évolution du consommateur.

La grande distribution joue la carte du bio 

Christophe de Saint-Pierre, directeur commercial de Moulins des Moines, une marque historique du bio alimentaire, résume ainsi les vingt dernières années : "entre 1990 et 2000 le marché s'est cherché. Fin 90, il y a eu une prise de conscience avec la crise de la vache folle. À partir de 2000, il y a eu une mutation du raisonnement consommateur qui a rencontré une logique dans le bio et l'environnemental. Cela se confirme année après année et ça ne va pas repartir en arrière."

Régis Destrac, ancien créateur de magasins bio et responsable du bio à Fresh Food Village, une société qui fabrique et distribue des produits "innovants et différenciants", explique la stratégie des grandes surfaces : "pendant vingt ans elles n'ont vendu que des produits Bjorg, puis pendant deux, trois ans elles ont voulu mettre en place des produits sous leur propre marque de distributeurs. Maintenant, elles sont tellement pressées qu'elles lancent plein de marques pour avoir deux ou trois mille références et rattraper l'offre des magasins bio."
45 % des produits bio sont distribués en France dans la grande distribution. Nous, consommateurs, à première vue nous nous y retrouvons au niveau du prix. Mais quid de la qualité ?

Le cahier des charges protège

Sur le plan de l'absence de pesticides et d'OGM, pas de problème. Les analyses montrent une absence de résidus dans les produis bio, sauf exceptionnellement quelque traces infinitésimales. Au niveau des OGM, le taux de 0,9 % autorisé par la réglementation n'y autorise qu'une présence fortuite.

Une touche d'optimisme pour Régis Destrac : "la nouvelle réglementation européenne est à peu près équivalente à la française. Ça m'a un peu rassuré."
Le bio sous label qu'on trouve dans la grande distribution est et sera donc vraiment du bio.

La culture de la qualité ?

Hier le bio historique était le fait de professionnels passionnés. Aujourd'hui on voit arriver dans le bio une nouvelle génération pour qui il s'agit principalement d'un concept marketing et d'une source de rentabilité. On pourrait donc émettre quelques doutes sur le plan des bonnes pratiques et de la qualité.

Consommer local ?

En matière de bio, est-il toujours adapté de vouloir répondre à la demande de produits hors saison ?
Environ un quart du bio vendu dans les grandes surfaces serait à base de produits importés. Pas terrible pour le bilan carbone.

Vers du bio intensif ?
Les vieilles habitudes sont difficiles à perdre : on exige le calibrage et l'absence totale de défauts sur la peau des produits... Ce qui implique en bio la perte de la moitié de la récolte.
Conséquence chez les producteurs : pour répondre à la demande et obtenir du volume, on peut être tenté de faire de l'intensif.

Une bio à deux vitesses

"Il n'y a aucun doute et j'ai pu le tester plusieurs fois : les supermarchés veulent le produit qui remplit les conditions pour avoir le label bio et qui soit le moins cher possible." Régis Destrac est formel.
"Quand on annonce plus de 50 produits à moins d'1 € comme Auchan, on est dans le grotesque : on réduit le poids, on joue sur la qualité, ce n'est pas tenable. Ou alors il y a un distributeur qui est en train d'enterrer un industriel. Il y a clairement là le schéma du mauvais équilibre", s'insurge Christophe de Saint-Pierre.

Régis Destrac est du même avis : "les supermarchés vont faire ce qu'ils ont toujours fait, mettre les fournisseurs sous pression... Il faut espérer que le monde du bio aura une capacité de résistance plus forte que les autres secteurs de l'agro-alimentaire."

Paradoxalement, cette évolution devrait réjouir les magasins spécialisés en bio : s'ils continuent à jouer la carte de l'authenticité et de la qualité, ils garderont toujours une longueur d'avance par rapport à la qualité minimale de la grande distribution. Et il n'est pas impossible qu'ils soient rejoints par un nouveau public ayant été sensiblisé au bio par les grandes enseignes.

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Du bio intensif ?

Comment c'est possible ? 
C'est simple. On peut très bien rester dans le cahier des charges mais :

- recourir à davantage d'intrants (engrais et pesticides "verts"),
- augmenter les surfaces sans respecter les haies, 

- introduire moins de variété dans les rotations de culture pour s'orienter vers celles qui se vendent le mieux, 

- voire cultiver sous serre ou en hors sol !

Tous ces paramètres ne sont pas dans le cahier des charges, et pourtant ils fondent l'identité de l'agriculture biologique en terme de protection de l'environnement.

Vie Saine et Zen