Parents : avoir de l'autorité

Parents : avoir de l'autorité

Pour accompagner harmonieusement son enfant sur le chemin de l'autonomie et d'une socialisation réussie, il est essentiel d'apprendre à avoir de l'autorité, à être responsable et cohérent et, s'il le faut, à sanctionner… Mais toujours en exprimant de l'amour et de la joie de vivre !

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Sommaire

- Que veut dire : "avoir de l'autorité" ?
- Quelle différence avec l'autoritarisme ?
- Qu'entendez-vous par "autorité constructive" ?
- Quel intérêt pour l'enfant ?
- Quel intérêt pour le parent ?
- À quel âge faut-il commencer ?
- Gérer au fur et à mesure que l'enfant grandit ?
- Quelques exemples de règles incontournables ?
- Comment réagir lorsque les limites ont été franchies ?
- Comment éviter les tensions inutiles ?
- Importance de la cohérence éducative ?
- Un conseil pour installer une autorité paisible ?

À l'heure de l'enfant roi, le laxisme a remplacé l'autoritarisme et ses effets se font sentir dans la famille, dans l'institution scolaire et au-delà, dans l'ensemble de la société. L'absence de règles, de limites, de repères a créé depuis une quarantaine d'années des générations d'enfants anxieux, qui doutent fortement d'eux-mêmes et qui ont des difficultés à vivre ensemble.
Voilà pourquoi Marie Gilbert*, docteur en sciences de l'éducation, plaide pour réhabiliter l'autorité, certes, mais sous la condition expresse qu'elle soit l'expression de l'amour… Interview.

Qu'est-ce que ça veut dire : "avoir de l'autorité" ?
Marie Gilbert : Avoir de l’autorité, je dirais que c’est favoriser pour l’enfant l’apprentissage des règles qui lui permettront de vivre le mieux possible dans la société de ses semblables. Il s’agit de prendre en compte à la fois son bonheur et celui de son entourage.

Quelle est la différence avec l'autoritarisme ?
MG : L’autoritarisme impose un rapport de domination qui conditionne l’enfant à obéir sans souci de développer son autonomie. Il est fondé sur le désir de pouvoir de l’adulte qui peut répondre à sa peur d’être débordé par un enfant qu’il faut "cadrer" avant tout, donc punir dès qu’il commet une faute. L’autorité que j’appelle "constructive" est indissociable de l’amour.

Qu'entendez-vous par "autorité constructive" ?
MG : C'est une forme d'autorité qui vise un développement équilibré de l’enfant : il doit savoir obéir aux règles que chacun doit observer (parents y compris) pour que le vivre-ensemble soit possible, ce qui justifie certaines sanctions justes et éducatives. Mais il doit être encouragé à exercer son discernement, sa créativité, à faire des choix en fonction de valeurs. Il construit ainsi son autonomie dans la confiance.

Quel est l'intérêt pour l'enfant que le parent fasse preuve d'autorité ?
MG : L’enfant a besoin de repères pour savoir s’orienter dans la société. Celui qui comprend en famille les bienfaits d’une discipline s’adaptera mieux à la vie scolaire et dans d’autres groupes. Une juste autorité qui balise le chemin apporte de la sécurité à l’enfant : si son entourage ne le guide pas, il se sent seul en territoire inconnu et peut suivre n’importe quel chemin de traverse. Mais se sentir accompagné, éclairé par ceux qui l’aiment, le rassure. Il apprend à marcher avec confiance et lucidité… Ce qui ne veut pas dire que cet apprentissage soit toujours facile en famille !

Quel en est l'intérêt pour le parent lui-même ?
MG : Quand l’enfant reconnaît, même s’il s’y oppose à certains moments, que le parent exerce une autorité juste, la relation parent-enfant reste fondée sur l’amour et la confiance, ce qui la facilite. L’enfant accepte plus facilement les nécessaires limitations de sa liberté. Le parent évite les pertes d’énergie, l’énervement qui suscite de part et d’autre des réactions émotionnelles dramatisant les situations. De plus, privilégier l’encouragement nourrit l’estime de lui-même de l’enfant, lui montre où aller de façon positive et diminue le nombre de transgressions et de sanctions : la relation est agréable pour tous.

À quel âge faut-il commencer à instaurer de l'autorité ?
MG : Les premiers mois, le petit a besoin avant tout de sentir la chaleur de l’amour. Avec l’exploration de l’espace, il y a un apprentissage des limites qui se fait en douceur : on oriente l’enfant vers des lieux sécurisés, on évite qu’il porte à la bouche n’importe quoi etc. Avant le langage, un doigt levé, un regard, un sourire lui servent vite de feu rouge et feu vert ! Avec l’apparition des premiers mots, l’enfant peut comprendre ce qui est acceptable ou pas, ce qu’il peut faire et ne pas faire pour sa sécurité et celle des autres.

Comment doit-on gérer l'autorité au fur et à mesure que l'enfant grandit ?
MG : D’une manière générale, il est important d'instaurer l’habitude du dialogue dès le départ et de proposer des responsabilités en fonction de son âge. Quand l’enfant est jeune, on peut imposer des règles avant qu’il les comprenne. Plus on avance vers l’adolescence, plus on fait appel à sa compréhension. On peut le faire participer à l’élaboration du planning des tâches, à la négociation de ses plages de liberté etc. Mais il reste à tout âge des règles incontournables.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de règles incontournables ?
MG : Peuvent être considérées comme incontournables :
- Les règles qui préservent la sécurité, l’intégrité physique et morale de l’enfant et de son entourage. Pour un petit, par exemple, ne pas jouer avec des allumettes, donner la main pour traverser etc. Pour un ado, ne pas prendre de substances toxiques, rentrer en taxi plutôt qu’en voiture avec un copain qui a bu etc.
- Les règles du vivre-ensemble fondées sur le respect des autres, des animaux, de la nature, des lieux de vie…

Comment réagir lorsque les limites ont été franchies ?
MG : Quand on a expliqué la nécessité de respecter la limite, averti des conséquences de la transgression, il faut sans différer attirer l’attention de l’enfant sur le rapport de cause à conséquence. Si besoin, la sanction tiendra lieu de conséquence : elle sera éducative et jamais humiliante (réparer ou rembourser un objet cassé sur son argent de poche). Les excuses sont bien sûr nécessaires.

Comment faire pour éviter les tensions inutiles ?
MG : Donner des consignes claires, éviter les hésitations. Utiliser les activités quotidiennes, y compris le jeu pour mettre en valeur la nécessité des règles. Insister sur les encouragements qui montrent où aller, le dénigrement montrant seulement où ne pas aller. Insister sur ce que l’enfant peut faire davantage que sur ce qu’il ne peut pas faire. Ne pas oublier de donner l’exemple : c’est un bon moyen d’apprendre les règles de vie à l’enfant : au départ il prend plaisir à imiter les parents ; à l’adolescence il ne laisse pas passer le "faites ce que je dis et pas ce que je fais"…

Quelle est l'importance de la cohérence éducative ?
MG : En l’absence de cohérence éducative, l’enfant "profite" du désaccord en allant vers l’adulte le plus permissif si, par exemple, un parent prend à cœur la scolarité et l’autre pas… La cohérence éducative donne de la sécurité à l’enfant, lui prouve que les adultes l’aiment. Être un facteur de cohésion renforce son estime de lui-même.

Un conseil pour installer une autorité paisible ?
MG : Partager avec l’enfant des activités qu’il aime. Partager du bonheur.

 

*Auteure de J’ai de l’autorité, Adoptez une attitude responsable, éditions Eyrolles

 En savoir +

Intégrer son autorité de parent

"Au départ, libérer les "3 –ions constructifs" générateurs d'oxygène.
- La dédramatisation qui évite de se sentir à l'étroit dans un costume de "Père Fouettard" !
- La conviction qui ancre en soi une certitude : la nécessité des repères dans la vie de son enfant.
- L'affirmation de cette conviction qui la manifeste, la communique et apporte la sécurité à l'enfant.
Pas de stress inutile : nul n'étant parfait, il n'y a pas de famille parfaite. Visons plutôt une famille consciente de l'aide qu'elle peut apporter à un homme ou à une femme en devenir."

Exemple : comment éviter le brouillage émotionnel
"L'enfant doit nettoyer le vestibule qu'il a sali avec ses chaussures boueuses. Sans y prendre garde, on peut mettre dans l'injonction une charge émotionnelle :
Chantage : "Fais-le pour me faire plaisir !"
Supplication : "S'il te plaît fais ce que je te demande."
Culpabilisation : "Tu veux me faire de la peine ?"
Menace : "Si tu ne nettoies pas, je confisque tes jeux vidéo !"
Marchandage : "Si tu fais ça, tu auras des chocolats."
Si l'enfant veut contrarier, il trouve la faille !
Plus efficace est le ton objectif. Constat et conséquence logique : "Tu as sali le parquet, tu le nettoies." "

 

(Extraits de J’ai de l’autorité, Adoptez une attitude responsable, éditions Eyrolles)

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