Parents imparfaits et fiers de l'être

Parents imparfaits et fiers de l'être

De l'amour, du bon sens, de l'autorité sans autoritarisme, savoir écouter son enfant, ne pas culpabiliser et accepter d'être un parent imparfait… Voilà ce que seraient les principaux ingrédients pour exercer au mieux le métier de parent.

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Sommaire

- Un peu d'amour et de bon sens
- Quelle place pour l'autorité ?
- L'enfant : un adulte en construction
- Savoir écouter son enfant tel qu'il est
- Faut-il tout dire aux enfants ?
- Faut-il parler des fausses couches ?
- Éviter de mettre des étiquettes
- Ça ne sert à rien de culpabiliser
- Accepter d'être un parent imparfait

Au milieu d'une surabondance d'injonctions diverses et souvent contradictoires, les parents ont bien du mal à faire le tri et sont un peu perdus. Alain Sotto*, psychopédagogue, spécialisé en neuropédagogie et en psychologie de la connaissance, reçoit en permanence dans son cabinet des enfants en difficultés et des parents en souffrance qui ne savent plus quoi faire. Il nous apporte son éclairage.

Pour vous, il ne serait pas très difficile d'être un bon parent, un peu d'amour et de bon sens suffiraient…
Alain Sotto : Oui mais il faudrait préciser ce qu'on entend par "bon sens" et "amour". Le bon sens, c'est l'observation quotidienne de ce que vit l'enfant, ce qu'il ressent et dans le même temps de ce que l'on ressent, de la façon dont on agit, réagit. Chaque enfant, chaque parent, chaque relation mais aussi chaque moment sont uniques. Il est donc difficile d'émettre des prescriptions générales. Quant à l'amour, à l'attachement, on sait aujourd'hui qu'ils sont indispensables au bon développement de l'enfant. Mais heureusement, s'ils sont à un moment de la vie un peu défaillants et que l'enfant n'est pas en totale sécurité affective auprès de ses parents (deuil, divorce, etc.), il arrive qu'il les trouve auprès d'un adulte de la cellule familiale élargie ou, à la crèche, d'une assistante maternelle.

Quelle est pour vous la place souhaitable de l'autorité dans la relation parent-enfant ?
A.S. : Françoise Dolto disait à juste titre : "Tous les désirs sont légitimes, ils ne sont pas tous réalisables". Malheureusement, il y a eu dans le passé récent une mauvaise interprétation des écrits de cette psychanalyste. Pour se structurer l'enfant a besoin d'un cadre qui lui donne des limites. C'est sécurisant pour lui. S'il n'y en a pas, tout lui est permis. C'est ainsi qu'on a vu apparaître les enfants rois et, plus dévastateur, les enfants tyrans. Et ces enfants ne sont pas heureux. Mais il ne faut pas confondre autorité et autoritarisme. L'autorité doit venir d'une discussion entre parents pour s'accorder sur les limites éducatives. Ensuite il faut savoir écouter l'enfant, improviser et s'adapter à chaque instant.

Une des choses les plus importantes pour vous est de considérer que l'enfant est un adulte en construction…
A.S. : On ne construit pas l'enfant, l'enfant se construit. Les parents ont devant eux non seulement un petit garçon ou une petite fille mais un adulte en formation, en devenir. Ils doivent répondre au présent de l'enfant tout en sachant que les valeurs qu'ils lui transmettent sont aussi pour l'homme ou la femme qu'il (elle) sera un jour.

Il est fondamental de savoir écouter son enfant tel qu'il est…
A.S. : Très souvent les parents sont débordés par le rythme de leur vie. Ils croient écouter l'enfant mais ne l'écoutent pas vraiment. La conséquence est que celui-ci ne les écoute pas non plus. Le mode de communication peut se dégrader rapidement. Ainsi il faut parler, être attentif aux autres, mais ne jamais discuter le soir, alors que la fatigue est là, et surtout pas d'école ! Les parents ne doivent pas confondre leur enfant avec l'élève qu'il est par ailleurs! La scolarité doit être traitée à l'occasion de rendez-vous bien préparés.

On connait les ravages que provoquent les secrets de famille, faut-il tout dire aux enfants ?
A.S. : Parfois le "il faut tout lui dire" fait autant de dégâts que le "il n’a pas besoin de savoir". Il y a ce qui concerne la relation des parents et leur histoire personnelle d'une part, et ce qui appartient à la relation père-enfant et mère-enfant d'autre part. Ce qui intéresse l'enfant, c'est l'histoire de son origine, depuis le moment où il a été conçu. Et c’est aussi le projet de son avenir, porté par ses parents, qui le concerne
Dans le cas où existe un gros dysfonctionnement au niveau scolaire, il vaut mieux faire appel à un médiateur, psy ou autre, qui va chercher du côté de l'histoire de la famille s'il n'y a pas quelque chose concernant l'enfant qui ne lui a pas été révélé et crée un empêchement à son développement. Ce médiateur sera à même de décider s'il faut lui révéler cette histoire et dans quelles conditions.

Faut-il parler des fausses couches ?
A.S. : Ce sont les sujets les plus délicats. Souvent on les cache, considérant que les enfants risquent d’être choqués. Là aussi, il vaut mieux prendre l'avis d'un professionnel. Il ne faut pas tomber dans ce travers qu'il faut tout dire. Les parents n'ont pas à raconter tout ce qui leur arrive. On n'a pas à charger l'enfant de problèmes qui ne le concernent pas.

Selon vous, on pourrait sans le vouloir mettre des étiquettes sur les enfants…
A.S. : Souvent un enfant qui a un zéro en maths se dit : "Je suis nul". D'autant plus si on ne lui dit pas que c'est la copie qui a été notée, son travail à un moment donné, et pas lui ! La note est sur la feuille, pas sur son front. L'enfant vit chaque commentaire, chaque réflexion comme un jugement personnel qui l'étiquette : "pas matheux", "dyspraxique", "dyslexique", etc. Voilà pourquoi il faut observer, conseiller, encourager mais ne pas juger, ne pas déterminer.

Mais ça ne sert à rien de culpabiliser…
A.S. : Puisque on est dans une relation à vie, il ne sert à rien de culpabiliser sur le passé, de se dire qu'on aurait dû faire ceci ou cela… Aux pères qui se plaignent de ne pas voir leurs enfants grandir à cause du boulot, je réponds : Il vous suffit d'un quart d'heure, deux ou trois fois par semaine, mais d'être alors 100 % disponible dans un présent de qualité partagée pour que vous soyez dans votre rôle et que vous exerciez votre métier de parent. J'insiste sur le fait que c'est moins le temps passé avec l'enfant qui importe que la qualité, la présence vraie du parent et le partage.

Il faudrait arriver à surmonter la peur d'être un mauvais parent et donc accepter d'être un parent imparfait ?
A.S. : C'est la réflexion de Freud quand il a débarqué aux États-Unis pour faire des conférences. Une mère de famille lui a demandé comment faire pour bien élever les enfants. Il a répondu : "N'importe comment, ce sera toujours mal". Il n'y a pas de parents parfaits, il n'y a pas de modèle éducatif idéal. Cela n'existe pas. Être parent, c'est une invention, une découverte, une improvisation.

 

*Auteur, avec Varinia Oberto, de Le beau métier de parent, édition Hugo Doc et de Donner l’envie d’apprendre, Livre de Poche
Site d'Alain Sotto : cancres.com

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Père et mère

Comment, à votre avis, peut-on définir le rôle du père et de la mère aujourd'hui ?
A.S. : Avant les rôles étaient simples. L'homme travaillait et la femme s'occupait du foyer. Maintenant, les rôles doivent être redéfinis en permanence. Chaque famille doit trouver son mode de fonctionnement, la tendance étant dans le partage des tâches. Néanmoins les activités parentales ne sont pas partagées équitablement. L'aide aux études, les déplacements, les loisirs et les soins reviennent principalement à la mère. Les jeux à la maison voient une légère domination par le père. Les deux tiers du temps consacré à l'enfant sont occupés par la femme, et davantage quand il est en bas âge. Les parents sont différents et complémentaires dans l'éducation. Ainsi la mère joue avec une vision pédagogique. Elle encourage, donne des conseils, rassure l'enfant sur ses capacités. Le père en détournant le jeu, le déconcerte, l'amène à réfléchir. Par sa façon de jouer, il l'incite à s'adapter à ce qui est nouveau, à se débrouiller seul. Il facilite ses réponses aux sollicitations sociales.

Que faire en cas de divorce ?
A.S. : Dans les couples séparés, je demande aux deux parents de tenir leur enfant éloigné de leurs problèmes relationnels, d'autant plus s'ils sont difficiles et conflictuels. Ils doivent parvenir à maintenir un dialogue entre eux pour tout ce qui concerne le présent et le futur de l'enfant. Il faut qu'il y ait un accord éducatif. Sans cet accord, peuvent naître chez l'enfant de grosses perturbations psychologiques et des dérèglements scolaires. Car très souvent, l’enfant croit être la cause de la séparation et des disputes.

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