Nous ne pouvons pas les contrôler car elles viennent de notre cerveau archaïque. Alors accueillons nos émotions, tentons de décrypter leur fonctionnement et vivons en bonne entente avec elles !
Sommaire
- Nos émotions : toujours bénéfiques
- Une partie non contrôlable
- Un espace de liberté
- Chasser les mauvaises habitudes
- Prendre de nouvelles habitudes
- "Être ému c'est être vivant"
- Écologie de soi et de l'environnement
Pour survivre en milieu hostile, notre cerveau animal a mis en place quatre grands systèmes de réactivité autour de la joie, la peur, la colère et la tristesse (voir encadré). Les autres émotions que nous ressentons peuvent être rapprochées de ces quatre émotions fondamentales, selon Catherine Aimelet-Périssol*, médecin et psychothérapeute. Par exemple le dégoût pourrait être rapproché de la colère et la surprise de la peur. "Les émotions sociales, la honte, la culpabilité, sont également facile à relier à ces grandes catégories, quand on écoute vraiment l'expérience notamment corporelle de la personne."
Nos émotions : toujours bénéfiques
À l'intérieur de ces systèmes, les émotions seraient toujours bénéfiques dans la mesure où elles provoquent des réactions qui tendent à rétablir un équilibre préalablement rompu. Pour Catherine Aimelet-Périssol, l'émotion n'est donc pas le problème mais la solution.
Une partie non contrôlable
Elle se fonde sur les travaux d'Henri Laborit et ceux, plus récents, des neuroscientifiques pour en expliquer la mécanique. Une partie de cette mécanique n'est pas consciente. Elle est inhérente au corps et n'est donc pas contrôlable. C'est la partie animale, issue du cerveau reptilien, qui permet la survie.
Un espace de liberté
Mais il y a également une partie consciente, inhérente à l'esprit et sur laquelle l'individu peut travailler. C'est tout ce qui concerne nos pensées et comportements automatiques, nos ressentis douloureux, nos sensations de mal-être, nos représentations cognitives, nos croyances et nos interprétations.
"Il y a un espace dans lequel nous avons une relative liberté. Nous pouvons agir dans le sens de notre désir d'existence, notre désir d'avoir de la présence, de l'amour, de la sécurité. C'est la mise en conscience de ce désir qui permet de sortir des automatismes. Nous pouvons alors devenir créatifs et rentrer dans un échange avec l'environnement tel qu'il est, de façon subtile et consciente. Il s'agit de sortir des sentiers battus, d'utiliser toute la richesse de notre système nerveux récent, le néocortex, non pas pour reproduire des automatismes déjà validés mais pour inventer comment répondre à notre propre existence dans ce monde."
Chasser les mauvaises habitudes
Nous avons donc la possibilité de partir à la chasse aux mauvaises habitudes de vie, celles qui sont attachées à nos systèmes de défense. Nous pouvons apprendre à ne plus vouloir tout éviter, tout contrôler, tout expliquer.
"Ce sont des habitudes qui, à l'aune de notre mémoire, sont de bonnes solutions mais qui sont inadaptées à la situation dans laquelle nous sommes. Sur le plan écologique, au niveau collectif, nous sommes dans ce paradigme. Nous avons conservé dans nos cerveaux une évidence que, pour survivre, il faut occuper, croître, avoir, accumuler. Comme si nous étions, dans nos pays occidentaux, toujours en situation de disette possible. Alors qu'on regorge de biens. Il y a quelque chose de décalé. Notre cerveau, plutôt que s'adapter à la réalité actuelle continue à fonctionner comme si nous étions à l'époque où l'on a inventé l'agriculture."
Prendre de nouvelles habitudes
Une fois qu'on a repéré ses anciennes habitudes sans les juger ni les rejeter, on peut tenter d'identifier son désir profond et inventer d'autres façons d'y répondre.
"Pour favoriser cette dynamique, on peut privilégier le fait de s'écouter soi, d'écouter l'autre, d'exprimer son désir et non pas ce qu'on aimerait de l'autre, le fait de se relier à son propre corps, de rencontrer une adéquation avec ce qu'on ingère, l'alimentation, l'air etc. Il s'agit de porter notre attention sur cet écosystème intérieur et extérieur dans lequel nous sommes."
Catherine Aimelet-Périssol insiste notamment sur l'importance d'utiliser le langage sous forme affirmative. "L'usage d'une grammaire sous forme négative est incompréhensible par le cerveau. C'est générateur d'angoisse."
"Être ému c'est être vivant"
Il faudrait donc accepter, accueillir nos émotions et coexister avec elles. Cela évoque le fameux "lâcher prise" qu'on trouve aujourd'hui dans toutes les recommandations issues de la psychologie positive et des enseignements orientaux.
"Le seul danger serait que ces approches puissent générer une crainte de ce qui est négatif. Dans cette limite, il est vrai que je rejoins les thérapies issues de la psychologie positive. Les philosophies orientales incitent également à se reconnecter au fait d'être vivant, corporel, sur terre. Mais on peut aussi trouver dans notre approche occidentale des penseurs qui nous aident à entendre cette unité profonde entre corps et esprit."
Écologie de soi et de l'environnement
Unité à l'intérieur de soi et en rapport avec notre environnement… "Les deux peuvent être une source d'inspiration. Quand on se relie à l'un on va inévitablement se relier à l'autre et le contraire est vrai. On est à l'aube d'un nouveau paradigme, d'un changement que j'espère de tout cœur."
*Auteure notamment avec Aurore Aimelet de Émotions : quand c'est plus fort que moi, éditions Leduc.S
Site de Catherine Aimelet-Périssol : Logique Émotionnelle
En savoir +
Les quatre émotions fondamentales
La joie : être plus vivant
Des quatre émotions fondamentales, la joie est celle qui pose le moins de problème car elle apporte une expérience d'ouverture, de curiosité. Même si, dans certains cas, elle est plus ou moins bien considérée socialement, parfois regardée comme de l'excitation, "elle donne le sentiment d'être plus vivant et surtout plus en lien avec l'environnement", affirme Catherine Aimelet-Périssol*.
La peur : fuir, éviter
Elle alerte le corps sur une situation qui a été perçue comme source d'insécurité. Elle induit une réaction de fuite ou d'évitement. "La peur est le signal d'alarme qui stimule une recherche automatique de sécurité."
La colère : affirmer son identité
Elle incite à la lutte, l'affirmation de l'identité, le contrôle. "La colère nous met en relation avec l'autre sans nous oublier. Comme les enfants à qui personne n'adresse la parole qui s'insurgent et annoncent fièrement "j'existe"."
La tristesse : se relier à soi
Le corollaire de la tristesse est le repli sur soi. "Une façon de nous relier, non plus aux autres mais à nous-même : je ne peux pas fuir, je ne peux pas vaincre mais au moins j'existe. La tristesse ramène la personne à sa propre existence, malgré les évènements extérieurs."