Pourquoi la politique nous énerve

Pourquoi la politique nous énerve

La politique fait souvent l’objet de disputes et de débats houleux dans le cercle amical ou familial.

Pourtant le taux d’abstention aux scrutins français ne cesse de progresser depuis des années, sans doute parce qu’un fossé s’est creusé entre les gouvernants et les gouvernés. Les Français restent toutefois très intéressés par la politique mais cet intérêt se manifeste de manière plus critique, plus protestataire qu’autrefois, dans une conjoncture de lassitude, voire d’exaspération. Certains experts évoquent même le surgissement d’une insurrection personnelle face à un sentiment d’impuissance, de réduction de l’éventail des choix.

La politique devient souvent un prétexte à partir duquel on règle un certain nombre de comptes, plus ou moins consciemment. Des enfants en conflit avec un de leurs parents peuvent, par exemple, s’en prendre au candidat ou au parti pour lequel il vote. Sans forcément être conscients de la signification exacte de leur véhémence. Cette dernière est décuplée par un environnement anxiogène particulièrement développé depuis la vague d’attentats de 2015, suivie par la crise du Covid, la guerre en Ukraine et à Gaza. Le tout dans une contexte de changement climatique qui se fait de plus en plus inquiétant. Et à cela s’ajoute un discours des gouvernants qui s’est vidé de sa substance. 

Montée des extrémismes et du radicalisme, libération de la parole quant à des positions et des votes autrefois considérés comme tabous… Le psychanalyste Roland Gori voit là le symptôme de ce que la philosophe Hannah Arendt définissait comme "l’esseulement" de l’individu. Ceux qui, en quête d’identité, d’identification, étaient hier attirés par le nazisme et le fascisme, le sont aujourd’hui par les mouvements d’extrême droite ou les “théofascismes” comme Daech ou al-Qaida. 

Dans ce contexte, les disputes, la possibilité de débats houleux lors de repas, de réunions familiales, de soirées en couple ou entre amis, attestent d’une certaine vitalité. Ce sont aussi les lieux de constitution de nos identifications où se forgent progressivement nos convictions, que ce soit en adoptant ou en rejetant les positions de notre entourage. Cela permet de définir un ensemble de positions, de valeurs, de grands systèmes d’idées qui vont nous aider à donner du sens à notre vie et à trouver notre place dans le monde. 

Les échanges politiques dans le cercle familial ou amical sont également l’espace sécurisé idéal pour exercer son agilité rhétorique, développer sa capacité de réflexion et son rapport à l’altérité grâce au langage. D’autant que, depuis une vingtaine d’années, se manifestent dans les familles une certaine horizontalité de l’échange, une plus grande liberté d’expression, une plus grande participation et une prise en compte de l’avis de chacun. 
Il y a dans ces débats avec ses proches un désir de rompre avec la routine et les chemins trop balisés, un désir d’être stimulé, un désir aussi de convaincre l’autre et de conforter ses propres opinions. Un signe de bonne santé !

 

Source : Psychologies, Hélène Fersnel - 10/06/24

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