Pourquoi le climatoscepticisme séduit-il encore ?

Pourquoi le climatoscepticisme séduit-il encore ?

43 % des Français refuseraient de "croire" au réchauffement climatique, selon un sondage Ipsos de 2023.

Alors que les effets du changement climatique sont de plus en plus évidents et couverts par les médias, le climatoscepticisme n’en finit pas de se régénérer. Le terme est trompeur et induit en erreur : il ne s’agit pas de scepticisme (qui pourrait être considéré comme vertueux) mais en réalité de déni voire de cécité vis-à-vis de faits scientifiques.

Le mouvement remonte aux années 1980, aux États-Unis, issu de think tanks liés au parti républicain et au lobbying de grandes entreprises, principalement dans le secteur de la production pétrolière, en s’inspirant des pratiques de l’industrie du tabac.

Réduit à la portion congrue en 2019 au moment de la COP 21 et des accords de Paris, il s’est développé de nouveau en utilisant des ressorts efficaces pour instiller le doute (a minima) ou l’inaction (a maxima) : utilisation de termes aux charges sémantiques équivoques (climatorassurisme, climatoréalisme…), remise en question de la véracité des travaux du GIEC, mise en avant des variations du climat à l’échelle du temps géologique (la Terre ayant toujours connu des périodes plus ou moins chaudes ou froides), dénonciation d’un caractère prétendument autoritariste et liberticide de toute action de lutte contre le changement climatique… Le doute est jeté sur tous les domaines, sans distinction.
Le climatoscepticisme prend aujourd’hui plusieurs formes : déni de l’origine anthropique du réchauffement, théories sur de prétendus cycles climatiques, remise en cause du rôle du CO2 ou technosolutionnisme (le fait de croire que le progrès technique règlera le problème climatique). Le système est efficace, dans la mesure où des acteurs climatosceptiques finissent par diffuser des discours faisant hésiter les décideurs, retardant leurs actions ou instillant le doute quant aux solutions à mettre en place. 

Sont en jeu des forces importantes : 

- la défense d’intérêts économiques notamment autour de l’exploitation des ressources nécessaires à l’activité industrielle, 

- la préservation d’un ordre social, d’une domination de l’Homme sur la "Nature" et de certaines communautés sur les femmes ou les populations indigènes.

Mais pourquoi sommes-nous si prompts à embrasser, de près ou de loin, certaines thèses climatosceptiques ? Parce que nous sommes devant une difficulté d’ordre culturel : le changement est immense et c’est toute notre vie qui doit être réorganisée, nos habitudes de consommation revues et nos pratiques quotidiennes revisitées (utilisation du plastique, production de gaz à effet de serre, transport, logement, alimentation…). Nous sommes dans une situation d’addiction vis-à-vis du système économique et industriel qui alimente le changement climatique.

Au moment où les effets du changement climatique sont de plus en plus visibles, la tache peut paraître de plus en plus insurmontable et le déni devient une valeur refuge de plus en plus commode. Comme une forme d’instinct de protection pour éviter de regarder les choses en face et pour préserver un mode de vie que l’on refuse de perdre. Le climatoscepticisme est le symptôme d’autodéfense d’un vieux monde qui refuse de mourir. 

Le manque de récits alternatifs joue également un rôle. Difficile d’envisager l’avenir d’une autre manière avec le logiciel politique et économique du 20e siècle. Entre le greenwashing, le technosolutionnisme, la collapsologie ou encore le colibrisme (le fait de tout faire reposer sur l’individu), l’archipel narratif est confus et repose plus sur des croyances et le besoin d’être rassurés que sur un avenir à bâtir.
L’approche scientifique nourrie de chiffres est importante mais aride. Ce n’est pas avec des chiffres seuls que l’on met en mouvement les sociétés et les politiques.

 

Source : The Conversation, Albin Wagener - 10/01/24

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