Trump 2.0 : l’occasion pour l’Europe de bâtir une vraie politique de sobriété ?

Trump 2.0 : l’occasion pour l’Europe de bâtir une vraie politique de sobriété ?

Après l’invasion de l’Ukraine, l’Europe a basculé d’une dépendance énergétique russe à une importation massive de gaz américain. 

À la veille du conflit ukrainien, les différents pays de l’UE importaient de Russie à plus de 96 % leur pétrole et leurs produits pétroliers, à plus de 87 % leur gaz et à plus de 44 % leur charbon. D’une dépendance vis-à-vis de Moscou, l’UE est passée rapidement à une dépendance vis-à-vis de Washington. En 2023, 45 % des importations de GNL européens étaient d’origine américaine et le vieux continent constituait la première destination du gaz américain. 

L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis peut constituer un tournant majeur dans la géopolitique internationale et plus particulièrement sur les questions climatiques et environnementales. La première décision du nouveau président devrait être, comme annoncé durant la campagne électorale, de sortir de l’Accord de Paris, puis de démanteler l’Agence de protection de l’environnement américaine.
En interne, sa vision est simple : casser toutes les barrières réglementaires ou fiscales pouvant limiter la production et le commerce d’énergies fossiles.
Vers l’extérieur, le slogan "America is Back" se traduira concrètement dans l’ensemble des relations commerciales par l’utilisation des taxes à l’importation dans le cadre d’une politique discrétionnaire fondée sur l’humeur, l’outrance et la communication de court terme. 
Cela pourrait signifier l’entrée dans une nouvelle ère : l’affirmation du pouvoir de marché américain sur l’énergie avec un objectif de domination. Cette politique touchera d'abord les pays consommateurs dépendants largement des exportations américaines et en tout premier lieu l’Union européenne.

On peut alors imaginer des scénarios dans lesquels le gaz américain pourrait constituer une monnaie d’échange et d’arbitrage pour Washington sur des sujets délicats. Et ceux-ci pourraient être nombreux : négociations commerciales globales ou sectorielles (agriculture), OTAN, guerre en Ukraine, technologies bas-carbone… Et les États-Unis ont partiellement entre leurs mains un levier énergétique pouvant impacter le niveau et la volatilité des prix sur les matières premières énergétiques en Europe. 

Il devient donc urgent de transformer les politiques de sobriété subie, telles qu’elles ont été mises en place dès 2022 dans toute l’UE, en politiques de sobriété systémique. Une entrée bien pensée dans l’ère des puissances sobres pourrait constituer un modèle attractif pour des économies dépourvues de ressources naturelles et soucieuses d’affirmation géopolitique. En renforçant l’autonomie des pays, les politiques de sobriété contribuent à améliorer la balance commerciale et à accroître la sécurité énergétique et matérielle. Elles permettent ainsi de dégager des surplus financiers pour investir dans des politiques structurelles d’infrastructures résilientes permettant la modération des consommations futures.

Rechercher la simplification matérielle, technologique et modérer la consommation pourraient devenir un atout majeur pour attirer des compétences en Europe et se démarquer des autres régions du monde. De plus, le cercle vertueux initié par la sobriété systémique permet de se concentrer sur les problématiques fondamentales telles que la formation, la santé publique et le bien-être des populations.
Développer une sobriété respectueuse des limites planétaires et améliorant nos capacités de résilience géopolitique s’appelle peut-être simplement liberté !

 

Source : The Conversation, Emmanuel Hache - 07/11/24

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